Une journée avec les aides-soignantes en gériatrie

À 6h40, derrière les fenêtres de la salle à manger, la nuit s’attarde dans le matin froid. Aujourd'hui, l’équipe d'aides-soignantes va prendre soin des 19 résidents du 5C. Reportage à l'unité de soins de longue durée à l’hôpital des Charpennes.

Ce matin, Jeannine tartine de beurre les pains du petit déjeuner. En septembre 2023, cela fera huit ans qu’elle est aide-soignante en unité de soins de longue durée à l’hôpital des Charpennes. En ce jeudi de février, l’équipe va gérer les 19 résidents du 5C.

Il y a un an, Jeannine et ses collègues ont suggéré un changement d’horaire : « Nous nous étions rendu compte que les résidents mangeaient moins après la toilette. Nous avons suggéré de servir les petits déjeuners plus tôt. Cela a fonctionné : ils ont plus d’appétit », relate-t-elle. « Nous avons des patients avec des troubles neurocognitifs. La majorité sont aphasiques, en fauteuil ou alités. Nous les stimulons par la parole, en communiquant, l’important étant de créer du lien », explique Dorette, aide-soignante aux Charpennes depuis 2018.

Marie-Claire, diplômée en 2019, évoque à son tour « ce lien qu’on établit avec le résident. On s’adapte à chacun, selon sa volonté et ses préférences. » Les aides-soignantes ont une connaissance fine des résidents. Leur rôle est fondamental dans la prise en charge de ces personnes dépendantes et complexes, qui termineront leur existence entre les murs de l’hôpital gériatrique. Toutes souffrent de plusieurs maladies, la plupart à un stade avancé, et nécessitent des soins et une surveillance physique et psychique dans les actes essentiels de la vie, complexifiant la charge et le temps de travail des aides-soignantes.

 

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Aide-soignante en chambre
Moment d'échanges entre une résidente et l'aide-soignante.

Proximité relationnelle

Julie, aide-soignante depuis quatre ans, donne à la cuillère son chocolat épaissi à monsieur K., résident de 91 ans.  Atteint de démence, il souffre de rester seul dans sa chambre. Les visites de son épouse les après-midis ne suffisent pas à l’apaiser.  Il fait entendre par intermittence des râles sonores qui résonnent dans le couloir. Nous l’interrogeons sur les aides-soignantes : « Elles sont formidables. Elles méritent toute notre admiration. Les vieux ne sont pas commodes. » L’aide-soignante lui présente maintenant de l’eau gélifiée : « Ah, non, c’est trop froid ! », dit-il, brusquement. « Et la compote, ça va ? », tente-t-elle, ensuite. À dix heures, Marie-Claire prépare la navette des déjeuners. « Il faut les brancher deux heures avant, il y a une partie chaude qui réchauffe les plats et une partie froide. »

Dans ces chariots, lourds à manœuvrer, l’aide-soignante dispose les plateaux en fonction des besoins, des demandes et des goûts de chaque résident. Ici, le service se fait à l’assiette. À l’autre bout du couloir, Rosine, aide-soignante depuis août 2022, s’occupe de madame P. Elle s’enquiert du bien-être de la résidente, « je ne frotte pas trop fort ? » Il faut laver, crémer, changer la protection, vêtir. Madame P. est hémiplégique. Vient le moment de l’installer dans son fauteuil. Dorette est venue prêter main-forte. Elles utilisent le lève-personne électrique : « Une aide précieuse qui soulage le travail. Quand le résident a peur, nous prenons encore plus de précautions », commente Rosine. Après avoir coiffé Madame P., Rosine désinfecte tous les points de contact du lit et autour. « Allez, ça suffit maintenant, faites vite ! », s’exclame la résidente, soudainement impatiente. Le soin aura duré près de trente minutes. « Le plus difficile, ce sont les refus de soin », indique Jeannine, « on revient plus tard. On peut aussi faire appel à l’infirmière. »  Les causes du refus sont le plus souvent d’ordre médical : maladie neurodégénérative, syndrome de démence, troubles de la mémoire, etc. L’aide-soignante fait alors preuve de patience, tente de dialoguer et de rétablir la confiance.

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Aide-soignante tenant la main d'une patiente
Le contact physique est très important pour les résidents. Ici Madame I. tient la main d'une aide-soignante.

 

Certains résidents peuvent être agressifs ou violents : « Cela fait partie du travail. Il ne faut pas le prendre pour soi », partage Dorette. Cyrielle, infirmière ce matin-là en service, passe de chambre en chambre. « Entre infirmières et aides-soignantes, on s’entraide. Elles vérifient les sondes urinaires, elles peuvent aussi m’aider pour les pansements. »

Les aides-soignantes du service suivent régulièrement des modules de formation pour parfaire leurs pratiques professionnelles. « Les formations permettent d’améliorer la qualité des soins, de prendre du recul », relève Virginie, la cadre du service. « Nos aides-soignantes sont de belles personnes. Elles ont su se dépasser. C’est une équipe en or. »

Des compétences recherchées

« En arrivant le matin, les aides-soignantes sont les premières que je vois. On échange sur les patients, on partage nos infos.  Elles me permettent d’avoir une vision globale de tous les résidents. Elles sont aussi un soutien quand on forme des groupes d’activités avec les rééducateurs », souligne Aurélie, kinésithérapeute. Dans ce lieu de vie, la difficulté est de parvenir à concilier la multiplicité des tâches à effectuer avec le besoin des résidents d’être perçus comme sujets et non comme objets de soin. Pour cela, ils peuvent compter sur les aides-soignantes, qui participent également aux animations : « Pour les anniversaires, les familles sont conviées à partager le gâteau. On chante, on met de la musique », disent-elles, souriantes. Madame I., dynamique nonagénaire, interpelle Dorette : « Tu viens quand ? J’attends pour ma douche ! » Cette résidente peine à accepter sa condition de dépendance vis-à-vis de sa santé et de ses contraintes. Ce qui ne l’empêche pas de plaisanter, pleine de vie et d’entrain, en tenant la main de la soignante...

Dans la chambre de monsieur L., Julie confie sa volonté de devenir infirmière. Pour les hôpitaux, les aides-soignants sont d’excellentes recrues qui connaissent le métier, la pratique soignante et leur environnement de travail. D’après les instituts de formation, l’abandon des études est très rare chez ces professionnels de la santé aguerris. Vers 13h30, c’est l’heure de la pause. L’équipe n’a pas de salle réservée. Elle déjeune donc dans la salle à manger de l’unité, en présence de madame P., observatrice. Puis Virginie transmet les infos du jour. L’équipe du soir est arrivée. C’est la relève. Une fois par semaine est faite la synthèse d’un dossier patient pendant laquelle chacun, —  aide-soignant, infirmier, kiné, ergothérapeute, médecin — , peut intervenir et apporter son expertise. Il est maintenant 14h30, les aides-soignantes ont fini leur journée de travail.

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