Une étude pionnière sur les déterminants environnementaux de la bronchiolite du nourrisson dans la Métropole de Lyon

Chaque hiver, en France, près de 500 000 enfants de moins de 2 ans sont touchés par la bronchiolite du nourrisson et 30 000 d’entre eux subissent une hospitalisation. Cette incidence varie cependant énormément d’un bébé à l’autre, avec de fortes disparités géographiques. Pour la première fois, une étude, pilotée par une équipe pluridisciplinaire lyonnaise, en collaboration notamment avec l’université de Princeton (Etats-Unis), a analysé les déterminants urbains de ces particularismes territoriaux, en cartographiant les principaux facteurs de risque, quartier par quartier, dans les 58 communes de la métropole de Lyon.

Réalisé par une équipe pluridisciplinaire lyonnaise, composée de plusieurs praticiens des HCL et de chercheurs universitaires, en collaboration avec l’Université de Princeton (États-Unis) et des partenaires européens1, le travail est titanesque. Pendant près de deux ans, des virologues, pédiatres, urbanistes, climatologues et épidémiologistes ont exploré les déterminants environnementaux et sociaux du risque d’hospitalisation pour bronchiolite à VRS chez le nourrisson au sein de la métropole de Lyon. Ils se sont, pour cela, appuyés sur plus de huit années de données hospitalières, compilées au sein de l’entrepôt de données de santé des Hospices Civils de Lyon, ainsi que des données de télédétection par satellite.

Répertoriant près de 3 000 cas confirmés de bronchiolite à virus respiratoire syncytial (VRS) survenus chez les enfants de moins de deux ans, entre 2015 et 2023, les chercheurs les ont croisés avec des indicateurs socio-économiques, des données climatiques et de pollution, les données de télédétection satellitaire… Au total, treize facteurs ont été utilisés dans une approche multidisciplinaire conduite à une échelle inédite : celle des unités statistiques IRIS (moins de 5 000 habitants), permettant de dresser une carte des potentialités de sur-risque d’hospitalisation quasiment quartier par quartier dans les 58 communes de la métropole.

Comprendre pourquoi certains quartiers lyonnais concentrent plus d’hospitalisations

« Au sein des HCL, nos pédiatres constataient depuis longtemps des disparités géographiques dans les cas sévères de bronchiolite du nourrisson. Nous voulions donc comprendre pourquoi les enfants résidants dans certains quartiers lyonnais avaient un risque d’hospitalisations pour bronchiolite plus élevé que d’autres, décrit le Dr Jean-Sébastien CASALEGNO, virologue du CNR "virus des infections respiratoires" des HCL, qui a dirigé l’étude. C’est la première fois qu’une telle analyse est conduite à cette échelle urbaine en France. D’habitude, l’analyse est conduite à l’échelle d’un pays, éventuellement d’une région, mais jamais à l’échelle du quartier. La possibilité de pouvoir travailler sur les données de télédétection satellitaires s’est avérée cruciale en cela. En outre, la structure urbaine très diversifiée de la métropole de Lyon se prête bien à un tel exercice ».

Avec des territoires à la fois très urbains et semi-ruraux, des densités variables, deux fleuves, des collines, de grands parcs, la métropole de Lyon constitue, en effet, un laboratoire urbain idéal. Elle possède de surcroit une expertise de premier ordre en matière de virologie, hébergeant l’Institut des agents infectieux avec ses quatre centres nationaux de référence et leurs nombreux réseaux de surveillance des infections respiratoires, à l’hôpital de la Croix-Rousse-HCL, le Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI), plusieurs laboratoires de référence, ainsi qu’un entrepôt de données de santé de grande capacité aux HCL, qui permet de travailler sur des datas fiables et significatives.

Quatre facteurs influencent plus fortement le taux d’hospitalisation

Publiée le 14 octobre dans la revue internationale BMC Public Health, l’étude confirme - c’est le premier enseignement - des inégalités territoriales marquées : les communes du Sud-Est de la métropole (Vénissieux, Bron, Feyzin, Saint-Fons) présentent un taux d’hospitalisation nettement supérieur à celui des quartiers du Nord-Ouest (Écully, Caluire, Tassin).

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trois schémas de la région lyonnaise montrent, à l'aide de couleurs, le taux d'incidence de la maladie.

Pour expliquer ces différences spatiales les chercheurs ont exploré différents facteurs environnementaux (humidité relative, température de l’air, pollutions par particules et à l’ozone, densité urbaine, surpeuplement, couverture végétale, revenu médian, etc.). Quinze, au total, ont été pris en compte et quatre ressortent plus nettement pour expliquer les différences d’incidence d’hospitalisation observées - c’est le second enseignement de l’étude :

  1. Le niveau socio-économique. Une corrélation linéaire forte a été observée entre le revenu médian (du code postal de résidence) et le risque d’hospitalisation. « Plus vous êtes défavorisé socio-économiquement, plus votre enfant a de risque d’être hospitalisé pour une bronchiolite, précise le Dr CASALEGNO. Plusieurs éléments peuvent l’expliquer, même si ce n’était pas l’objet de l’étude, comme une exposition plus forte à la fumée de tabac, un nombre de contacts plus importants des nourrissons en lien avec le mode de garde, ou encore l’accès des parents au système de santé ».
  2. Le logement surpeuplé ("crowding"). Les foyers sur-occupés (comptant moins de pièces que le nombre de pièces théoriquement nécessaires) présentent un risque accru, en raison de contacts inter-enfants plus fréquents, favorisant la transmission.
  3. Les conditions climatiques. Une corrélation été observée entre la température de l’air et le risque d’hospitalisation. Le bâti urbain, la présence de parcs et d’eau modifient la température de l’air (comme dans le cas des ilots de chaleur). Les écarts de température et d’humidité, parfois importants au sein d’une métropole, pourraient influencer la susceptibilité aux infections et la transmission du VRS.
  4. La pollution atmosphérique. Une corrélation forte été observée entre le taux de PM10 (particules d’un diamètre inférieur à 10 μm) et le risque d’hospitalisation. Cette pollution atmosphérique, plus forte dans les centres-villes, les zones densément urbanisées ou industrialisées, accroît la sévérité des symptômes de la bronchiolite et le risque d’hospitalisation.

 

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Neuf schémas de la région lyonnaise indiquent chacun les résultats obtenus par facteur environnemental (humidité relative, température de l’air, pollutions par particules et à l’ozone, densité urbaine, surpeuplement, couverture végétale, revenu médian, etc.).

« Des données à prendre en compte pour bâtir les futures politiques territoriales »

Démontrant que la bronchiolite n’est pas seulement une question d’agressivité du virus, mais aussi une conséquence de notre environnement immédiat, ces résultats doivent maintenir servir concrètement, dans un enjeu de santé publique. C’est en tout cas l’objectif du Dr CASALEGNO et de ses partenaires :

Une fois que l’on a identifié où se concentrent les populations les plus à risques, que l’on comprend les mécanismes sous-jacents, il sera possible d’agir. Il faut que ces données puissent être prises en compte pour bâtir les futures politiques territoriales.

Le virologue a déjà en tête plusieurs actions à initier : « Les nouveaux vaccins et anticorps (Beyfortus®, Abrysvo®) contre la bronchiolite à VRS doivent être particulièrement accessible aux populations les plus vulnérables, identifiées grâce à notre cartographie. Il est également souhaitable que l’urbanisme soit aménagé, avec davantage de végétalisation, la réduction de la pollution et l’amélioration des conditions de vie dans les logements ».

Le souhait de dupliquer l’étude dans d’autres villes françaises et européennes

En parallèle, le Dr CASALEGNO et son équipe lyonnaise du "VRS Study Group" ambitionnent de renforcer la collaboration avec les établissements de santé voisins (Médipôle de Villeurbanne, hôpital Nord-Ouest de Villefranche, CHU de Saint-Etienne…) afin de collecter davantage de données et d’affiner à la fois la surveillance mais aussi les solutions à apporter contre les formes sévères de bronchiolites sur le territoire régional. « Car l’hôpital public n’est pas seulement un lieu de soins, il est un acteur de la santé territoriale, y compris en matière de prévention, avec des réseaux de collaboration créés par les HCL sur tout le territoire », souligne le médecin.

A terme, l’équipe lyonnaise espère également pouvoir dupliquer son étude dans d’autres villes françaises et européennes. Les données recueillies permettraient ainsi de développer et valider des modèles prédictifs capables d’identifier les zones à risque au sein d’un territoire urbain à partir des données de télédétection satellitaire, ouvrant la voie à une santé publique de précision, capable d’anticiper les vulnérabilités locales et d’y répondre par des actions ciblées, tant sur le plan médical qu’urbanistique.

Ce serait une manière de contribuer à inventer la ville de demain, celle qui protègera au mieux la santé de nos enfants, conclut le Dr Jean-Sébastien CASALEGNO.

(1) Le projet a impliqué le VRS Study Group (groupe de travail lyonnais pluridisciplinaire sur les infections respiratoires pédiatriques, composé de plusieurs praticiens des HCL, virologues du CNR "virus des infections respiratoires" de l’hôpital de la Croix-Rousse et pédiatres de l’hôpital Femme Mère Enfant), des chercheurs universitaires lyonnais de l’unité mixte de recherche Environnement Ville et société, le département d’écologie de l’Université de Princeton, le Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), via la chercheuse finlandaise Kaisa Jaakkola, première auteure de l’étude, dans le cadre du programme européen EUPHEM.

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35 000 hospitalisations chaque hiver
La bronchiolite (aiguë) du nourrisson est une maladie respiratoire épidémique due majoritairement au virus respiratoire syncytial (VRS). D’après Santé Publique France, elle touche, chaque année, près de 30 % des enfants de moins de 2 ans, soit environ 480 000 nourrissons, avec un pic épidémique se situant généralement entre la 41e semaine d'une année et la 10e semaine de l'année suivante. Si dans la grande majorité des cas, la bronchiolite s’avère bénigne, elle est très contagieuse et demeure l’une des premières causes d'hospitalisation des nourrissons de moins d'1 an, avec environ 35 000 hospitalisations chaque hiver, en France. Les décès imputables à la bronchiolite restent heureusement très rares (inférieurs à 1%).
Depuis 2023, deux traitements préventifs sont proposés en France. Le Beyfortus® est un anticorps administré aux nouveau-nés sous forme d’injection, disponible pour tous les nourrissons de moins d’un an, soit directement à la maternité, soit auprès de la médecine de ville. Le vaccin Abrsyvo® est, lui, recommandé dans le cas de grossesses à risque aux femme enceintes, entre 32 et 36 semaines d'aménorrhée.