« Les personnes en situation de handicap ont toutes leur place aux HCL », Hélène Delgado, professionnelle de santé à l’hôpital Lyon Sud
Quand la maladie frappe à la porte, que le handicap envahit soudainement le quotidien, il n’est pas facile de faire le deuil de sa vie d’avant. À la trentaine, Hélène a vu progressivement sa vie basculer. Au début des années 90, elle obtient son diplôme de sage-femme. Elle commence à travailler à Oullins, puis dans une clinique avant de prendre, près de deux ans plus tard, un poste à la maternité de l’hôpital Lyon Sud. « Les valeurs de la santé publique, c’est-à-dire le soin pris en charge pour tous, me tenaient à cœur », dit-elle. Elle démarre dans la profession avec énergie et enthousiasme et rapidement se voit titularisée. Cette sécurité de l’emploi la rassure et lui permet d’envisager l’avenir sereinement. Elle travaille en salle d’accouchement, dans les services de la pathologie de la grossesse et des suites de couches. Elle aime la variété des tâches et des missions, apprécient particulièrement la diversité des parturientes accueillies à la maternité.
C’est après la naissance de sa première fille que les douleurs vont augmenter. Une première visite médicale obligatoire dans le service de la médecine du travail donne l’alerte mais ce ne sera que huit mois plus tard que la professionnelle de santé devra se rendre à l’évidence : « Les douleurs étaient devenues trop intenses et je ne pouvais plus faire semblant. » La marche est difficile. Hospitalisée une semaine dans cet hôpital qu’elle connait si bien, le diagnostic tombe : rhumatisme inflammatoire. Cette maladie chronique touche chez Hélène la colonne vertébrale, les articulations du thorax et celles qui joignent le bassin et les vertèbres lombaires. La professionnelle de santé est devenue patiente. Elle est arrêtée six semaines.
« Je suis abrutie par les médicaments, je suis stressée car je ne sais pas comment ni combien je vais être payée. Tout se mélangeait dans ma tête, le travail, le remboursement du prêt immobilier, l’éducation de mes deux filles, mon avenir professionnel… »
Une identité à reconstruire
Les premiers temps, Hélène éprouve le même schéma psychologique que celui de toute personne à laquelle on vient d’annoncer une maladie chronique incurable : déni, colère, tristesse, abattement. En tant que fonctionnaire de la fonction publique hospitalière, elle voit en consultation le docteur du service de médecine statutaire. « Nous sommes au début des années 2000, et il estime que je ne suis plus en capacité de travailler en douze heures. » Pour Hélène, il est hors de question de mettre un terme à sa carrière aux HCL. La santé, l’univers hospitalier, le soin aux couples et aux enfants sont sa raison d’être professionnelle. Elle trouve du soutien en premier lieu auprès de son mari, puis auprès des médecins et de la psychologue de la médecine du travail, bien entendu tous tenus au respect de la confidentialité. Après le déni de la maladie et une phase dépressive, elle commence peu à peu à accepter sa situation. Elle craint le regard de ses collègues et les incompréhensions qui peuvent surgir à tout moment, a fortiori quand le handicap est invisible.
« J’avais peur. Je ne me sentais pas légitime, comme un imposteur. »
Un sentiment partagé par nombre de professionnels du soin, semble-t-il, dont l’identité professionnelle repose sur leur capacité à prendre soin.
Sur les conseils de sa sœur, Hélène s’adresse à une association de patients. « J’ai rencontré des gens qui ont la même maladie que moi et qui travaillent, font du bénévolat, ont le sourire… bref, sont vivants. Je me dis que c’est possible et que je peux y arriver. » Elle suit leur conseil de remplir le dossier de déclaration de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) auprès de la Maison départementale pour les personnes handicapées. Six mois plus tard, elle reçoit un courrier quelque peu abscond mais finit par comprendre : « J’ai le droit de travailler comme les autres », dit-elle. Elle se réoriente et suit une formation sur l’allaitement, validée par un diplôme, comme consultante en lactation. « Il est essentiel quand on est malade de ne pas attendre pour agir. Le temps passe vite. Il faut anticiper les nombreuses questions que pose le handicap sur les plans financier, professionnel, personnel, familial. Rien ne tombe tout cuit entre les mains. Pour cela, il faut aller chercher l’aide et les soutiens auprès de son entourage, des associations, de la médecine du travail, du service des conditions de travail ». Les ergonomes du service des conditions de travail aménagent son poste de travail, ses horaires, etc. Elle réussit à faire le deuil de sa vie d’avant.
Nouvelle épreuve, nouveaux projets
En août 2019, Hélène chute méchamment sur la face sur le trajet du travail. Conduite aux urgences, elle est placée dans une chambre, entourée de médecins. « Je me suis dis que quelque chose n’allait pas… » Elle a fait une syncope cardiaque, certainement due à un syndrome de Brugada, maladie génétique rare à l’origine de la mort subite cardiaque. Trois mois plus tard, elle se voit implanter un défibrillateur qui va surveiller son rythme cardiaque. À nouveau, la peur s’empare de Hélène. Pourra-t-elle continuer à assumer une activité professionnelle ? Quel avenir lui réserve cette pathologie ? Quels sont ses droits ? Sont-ils applicables ? Comment ? Quels dossiers remplir ?
La sage-femme parvient encore à surmonter les épreuves. Bien que fragilisée par la pathologie, il lui faut continuer à faire preuve de ténacité pour obtenir des réponses, venir à bout de la paperasse et des lenteurs administratives quand l’arrêt de travail est plus long que prévu. À nouveau, elle sait compter sur ces services des HCL fortement sollicités que sont la médecine du travail et les conditions de travail ainsi que le service social et l’espace Info Santé1. Hélène reprend le travail en mars 2020, à temps partiel thérapeutique et touche son salaire à temps plein.
« Les personnes en situation de handicap ont toutes leur place aux HCL. Accepter, écrire son projet de vie, verbaliser, aller chercher le soutien nécessaire, faire un bilan de compétences, faire le deuil du soin, se former et s’informer… C’est un travail d’équipe indispensable pour continuer à avancer. Il n’y a pas de fatalité. »
Après toutes ces années, Hélène veut transmettre le savoir de son expérience pour soutenir et aider les agents hospitaliers. En octobre 2024, elle a répondu aux questions de professionnels de santé sur la RQTH à l’hôpital Henry Gabrielle. Une expérience qui pourrait être déclinée dans tous les groupements hospitaliers, « en créant des groupes de paroles réunissant les professionnels en situation de handicap et un pair-aidant », avance-t-elle, convaincue du bien-fondé de la démarche. En 2024, 845 professionnels déclarés en situation de handicap travaillent aux HCL, soit 5,11% des effectifs.
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