Octobre Rose, derrière les murs de la maison d’arrêt de Corbas

À l’occasion d’Octobre Rose, une équipe des HCL se rend chaque année à la maison d’arrêt de Corbas. L’objectif est d’informer et de sensibiliser les femmes incarcérées et le personnel pénitentiaire au dépistage du cancer du sein. Une initiative de santé préventive engagée.

Il est 10h15, quand les professionnelles des HCL font leur entrée dans l’atelier où travaillent ce matin une dizaine de femmes. Quelques minutes plus tard, se fait entendre entre les murs de béton de la maison d’arrêt de Corbas, la voix de la docteure Nathalie Hoen. Pour la gynécologue de l’hôpital Lyon Sud, cette journée de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, dans le cadre d’Octobre Rose, est une première. Malgré le haut plafond de l’atelier et les bruits en provenance des salles mitoyennes, elle parvient à se faire entendre et à capter l’attention de son auditoire.

Prévention en santé : de la théorie à la pratique

Des groupes se sont formés, attentifs aux informations transmises. « Le cancer du sein est le plus fréquent mais est aussi le mieux traité », indique la gynécologue. Il touche 60 000 femmes en France chaque année, entraînant 12 000 décès, mais « seules 46% de femmes se font dépistées, or détecté à un stade précoce, ce cancer de bon pronostic peut être guéri dans 9 cas sur 10 », insiste la Dr Hoen. C’est là le principal enjeu de cette journée de sensibilisation au dépistage : comprendre l’importance du diagnostic précoce grâce au dépistage afin d’optimiser les chances de guérison. La gynécologue poursuit en expliquant ce qu’est une mammographie, une biopsie, informant sur les traitements possibles, de la radiothérapie, « pour stériliser la zone cancéreuse et éviter la récidive », à la chimiothérapie, « plus toxique pour détruire les cellules cancéreuses disséminées dans l’organisme. »

Après cette introduction descendante, vient le moment de la mise en pratique ! Sur la table, des bustes en silicone permettent de s’entraîner à la palpation. Nathalie Piazzon, infirmière en pratique avancée (IPA) en cancérologie à l’hôpital de la Croix-Rousse, explique avec pédagogie comment palper les seins, le haut du torse, les clavicules. Rapidement les langues se délient et de petits groupes se forment. Certaines se confient. Ainsi, A. est personnellement concernée par la maladie. Opérée et suivie à l’hôpital Lyon Sud, elle s’interroge sur les conditions d’une reconstruction mammaire. En aparté, la Dr Hoen répond à toutes ses questions, éclairant les zones d’ombres qui persistaient chez la patiente des HCL. Plus loin, Luc, diététicien de l’unité de soins, est venu avec son pèse-personne. Il s’attaque aux idées reçues en posant quelques questions sur l’activité physique, la consommation de sucre, etc., le surpoids étant un facteur de risque. Il rappelle : « au moins trente minutes de promenade par jour réduit le risque de cancer », s’adaptant à ces femmes pour lesquelles le temps d’activité est compté. 

 

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Une femme s'essaie à la palpation sur le mannequin de simulation
Une femme de l'atelier s'essaie à la palpation sur le mannequin de simulation 

« Des infos santé en détention »

Dans l’atelier, les échanges vont bon train. Les unes s’essayent à la palpation sur le mannequin de simulation, les autres s’intéressent au message de prévention, aux différents traitements du cancer du sein. Une femme dans la vingtaine révèle avoir manqué son dernier rendez-vous avec la gynécologue présente une fois par mois dans l’unité de soin, à cause d’un parloir advenu au même moment. I., présente lors de la venue annuelle de l’équipe des HCL en 2024, retient à nouveau l’intérêt des messages de prévention, « très utiles », dit-elle. « C’est toujours bien d’avoir des infos santé en détention », note B., avant de retourner à son poste de travail. 

Les infirmières des HCL délivrent une information claire, accessible, créant rapidement un lien de proximité avec ces femmes de tous âges. Sont rappelés les symptômes du cancer du sein :  l’apparition d’une boule, d’une grosseur dans le sein ou à l’aisselle, une modification de la peau comme une rétraction, une rougeur, un œdème ou un aspect de peau d’orange, une modification du mamelon ou de l’aréole (rétraction, changement de coloration, suintement ou écoulement), ou encore des changements dans la forme des seins. Toutes ces informations suscitent questions, commentaires et échanges de part et d’autre. L’équipe constituée des infirmières de l’unité de soins remet maintenant des trousses contenant des messages de prévention, des crèmes de pharmacie fournies par des industriels, et autres eaux revitalisantes... 

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Une femme de l'atelier présente le kit de prévention

 

Il est temps de quitter les lieux. Les professionnelles de santé reprennent le même chemin qu’à l’aller pour revenir dans l’unité sanitaire. 

Au mess, tout le monde est concerné

À la pause déjeuner, autre ambiance. Un stand a été monté dans le mess de l’administration pénitentiaire, implanté à l’extérieur de l’enceinte de la maison d’arrêt. Surveillantes en uniforme, personnels administratifs, ou professeurs externes sous délégation du service pénitentiaire d’insertion et de probation viennent s’informer, poser des questions, partager. Là encore, les questions fusent, on se confie, on partage une expérience. Les femmes sont plus nombreuses, - moins de 1% des cancers du sein atteint les hommes -, mais ces derniers ne sont pas moins intéressés. Véronique Tardy, cadre de santé en gynécologie à l’hôpital de la Croix-Rousse, interpelle deux surveillants : « Savez-vous que bien souvent c’est le partenaire de la femme qui découvre une grosseur ? » Les facteurs majorant le risque de cancer du sein sont abordés : alcool, tabac, sédentarité, surpoids, etc. Nathalie Piazzon interpelle : « À partir de sept verres d’alcool par semaine augmente de 10% le risque de cancer ».

 

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Une surveillante écoute attentivement les conseils des infirmières des HCL
Au mess de la maison d'arrêt, une surveillante écoute attentivement les conseils des infirmières des HCL

 

Une surveillante s’interroge sur le meilleur âge pour débuter le dépistage. Elle va avoir bientôt quarante ans... « Si vous êtes à risque, par exemple si vous avez des antécédents familiaux de cancer, une prédisposition génétique, des antécédents d’exposition aux radiations médicales, on conseille de commencer le dépistage par mammographie dès quarante ans. » En France, le dépistage est recommandé tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans sans antécédents ni symptômes, et une palpation par an à partir de 25 ans par son médecin traitant ou son gynécologue.

Une deuxième surveillante partage à la volée : « Une fois, j’ai senti une grosseur. Je suis allée voir le médecin qui m’a prescrit une radio. Il n’y avait rien mais je me voyais déjà malade ! » Didactique, Nathalie Piazzon répond : « Il y avait bien quelque chose. Mais selon le cycle hormonal, des petites boules vont et viennent sans qu’elles soient cancéreuses. » L’intervention de la surveillante permet de préciser que se faire dépister permet aussi bien d’en savoir plus sur son corps, d’être davantage à son écoute, d’écarter l’angoisse de se croire souffrante que d’augmenter fortement les chances de guérison si effectivement on a été diagnostiqué à un stade précoce. 

« Ça fait du bien de savoir comment s’y prendre »

Après la pause déjeuner, retour dans la maison d’arrêt et, plus précisément, dans le gymnase en présence d’une vingtaine de femmes inscrites à une après-midi dédiée à la prévention et à l’activité physique. Messages de prévention, simulation sur mannequin, échanges informels et partages d’expériences se répètent avec le même intérêt. En marge de la prévention, l’activité physique rassemble quelques soignants de l’unité de soins et des femmes incarcérées. H., la trentaine, résume le sentiment partagé par ses codétenues : « Ça fait du bien d’apprendre des choses et de savoir comment s’y prendre pour palper et écouter son corps ».

 

*Composée de la docteure Nathalie Hoen et Mélanie Sahuc, infirmière coordinatrice (Lyon Sud), Nathalie Piazzon, IPA et Véronique Tardy, cadre de santé (hôpital de la Croix-Rousse), Briaghell Thalabard, responsable administrative et Yasmina Carras, secrétaire médicale (3C), ainsi que Charlène, Géraldine, Candice et Laura, infirmières de l’unité sanitaire des HCL à la maison d’arrêt de Corbas.

 

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