Thérapies innovantes : les HCL pourront désormais produire leurs propres thérapies géniques et cellulaires

En 2017, les Hospices Civils de Lyon étaient le premier CHU français à participer à un essai sur les traitements par CAR-T cells. En 2023, ils étaient les premiers à traiter un patient atteint d’un cancer du poumon grâce à une thérapie cellulaire de type cNeT. 2025 marque une étape supplémentaire dans l’implication des HCL dans le développement des thérapies cellulaires avec l’inauguration de leur propre plateforme de bioproduction de thérapies innovantes.

Fabriquées à partir des cellules immunitaires du patient génétiquement modifiées en laboratoire puis réinjectées au patient, les thérapies cellulaires et géniques ont changé la façon de concevoir les médicaments. Les CAR-T cells ont notamment prouvé ces dernières années leur efficacité dans le traitement de cancers du sang jusqu’alors incurables, conduisant à envisager leur introduction plus tôt dans la stratégie thérapeutique et à questionner l’intérêt des biomédicaments en dehors du champ de l’oncohématologie.

De tels traitements nécessitent cependant des circuits de production complexes et onéreux : recueil des cellules du patient, envoi à l’étranger (aux USA ou au Royaume-Uni notamment) pour fabrication et retour à l’hôpital. Si aujourd’hui, un médicament sur deux en développement est un biomédicament, la France dépend à plus de 90% d’importations dans ce secteur. Véritable opportunité pour mieux soigner les patients actuels et futurs, l’essor de ces nouvelles thérapeutiques représente également un défi économique majeur et un défi d’avenir pour notre système de soins. En 2021, le Président de la République avait fait des biothérapies le fer de lance du plan « Innovation Santé 2030 » et annoncé un investissement de 800 millions d’euros pour positionner la France en leader des biothérapies et de la bioproduction de thérapies innovantes, à un niveau international.

Sous l’effet des orientations des politiques publiques et en s’appuyant à la fois sur leurs succès en oncohématologie et sur les compétences regroupées des équipes d’immunologie et de leur banque de tissus et de cellules, les Hospices Civils de Lyon ont inauguré, vendredi 7 février 2025, leur plateforme d’immunothérapies innovantes, baptisée ARTEMIS (Application et Recherche en Tissus, cEllules et Médicaments InnovantS) et localisée à l’hôpital Edouard Herriot. L’objectif : produire et rendre accessibles aux patients des HCL, de nouvelles thérapeutiques innovantes fondées sur la modification du système immunitaire.

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Officiels durant l'inauguration de la plateforme de bioproduction
De gauche à droite : Alexandre PACHOT, Directeur de la Recherche en Santé aux HCL ; Bruno LACROIX, Président de la Fondation HCL, Dr Céline AUXENFANS, Pharmacienne responsable de la Banque de Tissus et cellules des HCL ; Pr Sébastien VIEL, Chercheur et pharmacien biologiste, coordinateur de la plateforme de bioproduction des HCL ; Pr Olivier THAUNAT, Néphrologue spécialisé en immunologie des greffes - Hôpital Edouard Herriot ; Pr Salima HACEIN-BEY-ABINA, Médecin en immunologie biologique à l'AP-HP ; Raymond LE MOIGN, Directeur Général des HCL ; Pr Vincent PIRIOU, Président de la Commission Médicale d’Établissement des HCL

Demain, l’ultra-personnalisation des biothérapies pour traiter des maladies incurables

Lymphomes et cancers incurables, maladies inflammatoires, auto-immunes ou infectieuses, rejets de greffe ou déficiences génétiques … Toutes ces pathologies ont un point commun : un fonctionnement inadapté du système immunitaire. Dans certains cas, il est absent (syndrome du « bébé-bulle ») ou épuisé (hépatite virale, VIH…) et il faut le stimuler ou le reprogrammer ; dans d’autres situations, son expression est à l’inverse trop puissante (diabète, polyarthrite, lupus, rejet de greffes…) et il faut alors le contenir.

Les biothérapies innovantes que sont les thérapies géniques et cellulaires reposent sur l’utilisation de cellules traitées (stimulation, amplification…) ou génétiquement modifiées en laboratoire puis réinjectées au patient, en vue de jouer pleinement leur rôle ou de remplacer des cellules endommagées. En prenant pour cible un type précis de cellules, les biothérapies permettent d’ultra-personnaliser les traitements en fonction du patient : elles constituent en cela une véritable révolution. « Initialement, la thérapie génique a été développée pour ajouter un gène fonctionnel dans les cellules, afin de suppléer un gène malade responsable de la maladie génétique. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la recherche médicale, cette stratégie thérapeutique est très largement utilisée en cancérologie, explique le Pr Sébastien VIEL, chercheur et pharmacien biologiste, coordinateur de la plateforme de bioproduction des HCL. Demain, elle pourrait permettre de proposer des thérapies curatives pour un large champ de maladies, dont celles qui touchent le système immunitaire, et espérer changer la donne pour les patients en impasse thérapeutique. »

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Zoom sur les thérapies cellulaires et géniques

 

Produire des thérapeutiques innovantes pour les patients des HCL, y compris pour ceux atteints de maladies rares et pour lesquelles il n’existe encore aucun traitement, c’est tout l’enjeu de la plateforme de bioproduction de médicaments de thérapies innovantes qui vient d’ouvrir à l’hôpital Edouard Herriot. A l’heure où les thérapies géniques connaissent une évolution exponentielle et alors que les capacités de production mondiale sont limitées, la bioproduction - qui regroupe l’ensemble des procédés et des biotechnologies permettant de produire ces médicaments - est devenue un enjeu de santé publique.

Pour structurer cette activité transversale, les acteurs de l’immunologie au sein des Hospices Civils de Lyon ont fondé LIFe, la fédération d’immunopathologie lyonnaise. Depuis 2019, elle rassemble 90 clinicienschercheurs experts en immunologie et représente une file active de 25 000 patients. Unis autour du Pr Sébastien VIEL et Dr Céline AUXENFANS, pharmacienne responsable de la banque de tissus et cellules des HCL, quatre responsables médicaux imagineront et mettront en production les traitements de demain, au sein de la plateforme, dans leurs spécialités respectives. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives…

Perspectives dans le traitement des lymphomes réfractaires

Le service d’hématologie clinique des HCL est le premier en Europe à avoir traité des patients atteints de cancers du sang et de la lymphe avec la thérapie cellulaire CAR-T. Près de 500 patients qui ne répondaient pas aux traitements classiques en ont bénéficié depuis 2017, dont une dizaine d’enfants, faisant du CHU de Lyon le premier centre européen en nombre de patients traités par cette thérapie cellulaire.

Aujourd’hui, la plupart des CAR-T cells administrés aux patients des HCL sont fabriqués à l’étranger. Demain, les équipes ambitionnent, pour des pathologies et cas cliniques dont les indications ne sont pas couvertes par l’industrie pharmaceutique, de produire des CAR-T cells à Lyon, au sein même des HCL, avec des bénéfices considérables :

  • Un raccourcissement du délai d’obtention du traitement (1 semaine contre 3 pour une fabrication délocalisée), qui permettrait de traiter plus précocement les patients, pour lesquels le facteur temps est primordial au regard de l’évolution de la maladie ;
  • Une efficacité potentiellement renforcée des CAR-T cells fabriqués sur place et réinjectés « frais », dans la mesure où le recours à la congélation ne serait plus nécessaire ;
  • Une baisse du coût du traitement (environ 70.000 € par patient au lieu de 350.000 € à ce jour avec des CAR-T cells industriels).
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Pr Emmanuel Bachy

« Grâce à la plateforme de bioproduction, on pourra produire des CAR-T cells au sein même des HCL, avec des bénéfices considérables : baisse du délai d’obtention et du coût du traitement, efficacité potentiellement renforcée mais aussi espoir de développer de nouveaux CAR pour traiter d’autres cancers. » Pr Emmanuel BACHY Hématologue - Hôpital Lyon Sud 

Perspectives dans le traitement des maladies génétiques rares de l’enfant

Grâce à la révolution génomique, on sait aujourd’hui que certaines maladies rares de l’enfant - à l’image de 10% des lupus systémiques de l’enfant âgé de moins de 18 ans - sont causées par la dysfonction d’un gène particulier. Grâce aux équipements high-tech de la plateforme de bioproduction des HCL, les pédiatres-chercheurs souhaitent tenter de corriger l’anomalie génétique à l’origine de la maladie, en agissant directement sur les cellules des enfants malades. Une meilleure compréhension des maladies génétiques ouvrira également sans nul doute des perspectives de traitement pour tous les enfants qui en souffrent.

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Pr Alexandre Belot

« Ces enfants qui souffrent de pathologies qu’on ne sait pas guérir aujourd’hui sont forcés de prendre, à vie, des traitements qui ont des effets secondaires très lourds, impactant leur qualité de vie. En parvenant à modifier l’anomalie génétique en cause dans leurs cellules, c’est véritablement la guérison définitive de ces enfants que nous visons ! » Pr Alexandre BELOT Rhumatologue pédiatre – Hôpital Femme Mère Enfant

Perspectives dans le traitement des maladies infectieuses

Les approches de thérapie cellulaire et génique s’avèrent très prometteuses pour les infectiologues, qui pourraient s’affranchir de trois problématiques rencontrées avec les traitements conventionnels par antibiotiques et anti-infectieux :

  • Le contrôle : les mécanismes qui régulent le système immunitaire, sont les garants de l’équilibre entre « défense contre les agressions » et « tolérance envers notre propre organisme », et c’est cet équilibre qui permet notre survie. Or les antibiotiques et les anti-infectieux viennent perturber cet équilibre, et la perte d’équilibre génère la perte de contrôle.
  • La résistance : le potentiel et l’efficacité des antibiotiques et des anti-infectieux diminuent au fil du temps, et il devient urgent de trouver des approches alternatives ou complémentaires. En effet, selon l’OMS, dans 30 ans, il y aura plus de décès dus à la résistance aux antibiotiques qu’au cancer.
  • La mémoire : les médicaments antibiotiques et anti-infectieux détruisent les bactéries, mais ne laissent pas de trace dans la mémoire du système immunitaire. Face à une nouvelle infection, il faut alors recourir une nouvelle fois aux antibiotiques car le système immunitaire n’a pas appris à reconnaître le pathogène et à se mobiliser pour le combattre.

La plateforme de bioproduction ouvre la voie à une alternative visant à stimuler les cellules immunitaires, grâce à la thérapie cellulaire, pour contrôler ou guérir certaines infections.

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Pr Florence Ader

« Les immunothérapies actives à base de thérapie cellulaire vont faire entrer la médecine dans une nouvelle ère : grâce à elles, nous pourrions obtenir chez les patients une immunité intrinsèque suffisante pour contrôler ou guérir un certain nombre d’infections. C’est une véritable révolution qui se profile, du niveau de la portée des découvertes de Pasteur… » Pr Florence ADER Infectiologue - Hôpital de la Croix-Rousse

Perspectives dans le traitement des patients greffés

Les patients transplantés doivent prendre des traitements immunosuppresseurs à vie, afin de ralentir le processus de destruction de l’organe greffé, considéré comme « étranger » par leur système immunitaire. Ce phénomène, appelé « rejet », limite la durée de vie du greffon. Pour le prévenir, les patients doivent prendre des traitements immunosuppresseurs, qui agissent de manière non spécifique sur le système immunitaire et peuvent donc être à l’origine de graves complications infectieuses ou cancéreuses, qui menacent la survie du patient. La thérapie génique ouvre des pistes porteuses d’espoirs en matière d’approches thérapeutiques innovantes, à la fois pour lutter contre le rejet et améliorer la prise en charge des patients transplantés.

Demain, les chercheurs ambitionnent de modifier génétiquement le greffon avant sa transplantation au patient receveur, pour les rendre indifférents aux attaques du système immunitaire et ainsi épargner aux patients les traitements immunosuppresseurs à l’origine de graves complications menaçant leur survie.

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Pr Olivier Thaunat

« La plateforme de bioproduction offre un nouvel espoir pour tous les patients en attente d’une greffe, avec une approche thérapeutique innovante pour lutter contre le rejet. Il pourrait aussi permettre d’améliorer la protection vaccinale des transplantés et donc de réduire sensiblement la perte de chances des patients greffés face aux maladies infectieuses. » Pr Olivier THAUNAT Néphrologue spécialisé en immunologie des greffes - Hôpital Edouard Herriot

Hospices Civils de Lyon : les atouts d’un leader de l’immunothérapie cellulaire

Les thérapies géniques et cellulaires reposent sur les « cellules médicaments », qui relèvent de la classification des Médicaments de Thérapie Innovante (MTI). Comme pour tous les médicaments à usage humain, leur fabrication nécessite un environnement technologique pointu et obéit à des procédés et réglementations extrêmement exigeants.

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Plateforme de bioproduction des HCL
Plateforme de bioproduction des HCL

Au-delà de l’expérience et de l’expertise reconnues unanimement de leurs équipes en onco-hématologie et en immunologie - qui constitue l’un des principaux domaines de recherche biomédicale du CHU -, les Hospices Civils de Lyon disposent d’un atout majeur ayant rendu possible la création d’une plateforme de bioproduction en leur sein : la possibilité de s’appuyer sur une plateforme hospitalière de biothérapie et bioproduction de thérapie innovante au travers de leur Banque de Tissus et de Cellules (BTC). Localisée à l’hôpital Edouard Herriot, elle dispose de trois salles blanches de thérapie cellulaire et a développé une expertise reconnue sur le plan international dans la fabrication et la conservation de cellules et tissus (feuillets épidermiques à destination des patients brûlés) à usage thérapeutique.

La BTC représente l’une des rares structures agréées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) pour la production de médicaments de thérapie innovante (MTI) en milieu hospitalier. Cette habilitation répond à un ensemble de critères très stricts régissant les infrastructures, les compétences techniques des personnels, l’organisation générale du laboratoire ainsi que son système qualité. L’expérience des équipes de la BTC des HCL, et notamment leur expertise en matière de respect des bonnes pratiques de fabrication a été un avantage certain pour le déploiement du projet. « Pour pouvoir étendre les activités de la banque et tissus et cellules à la bioproduction d’immunothérapies innovantes, nous avons réalisé des travaux permettant de créer une salle blanche de thérapie génique conforme aux bonnes pratiques de fabrication, un environnement strict et rigoureux étant essentiel pour garantir la sécurité des médicaments à base de cellules », explique le Dr Céline AUXENFANS, Pharmacienne responsable de la Banque de Tissus et cellules des HCL.

Pour rendre possible la bioproduction de thérapies innovantes, les HCL ont investi dans un automate de thérapie cellulaire CliniMACS Prodigy® (Miltenyi), l’une des dernières générations dans le traitement automatisé des cellules. C’est précisément cet appareil, installé dans la salle blanche MTI, qui va permettre, d’isoler, de modifier génétiquement et de faire proliférer des cellules vivantes afin qu’elles synthétisent la protéine souhaitée et de les expandre. L'unité de traitement cellulaire, qui permet le lavage, le fractionnement et la culture des cellules de manière entièrement automatisée, constitue un élément essentiel de l'appareil. Ces étapes de traitement s'effectuent dans une chambre à usage unique, incluse dans les ensembles de tubulure spécifiques du CliniMACS Prodigy®. L'unité de séparation magnétique des cellules constitue un second composant essentiel, permettant la séparation de pratiquement tous les types de cellules.

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La bioproduction peur durer entre 7 et 15 jours, selon le type de cellules et de biomédicaments à produire. De nombreux contrôles qualité ont lieu en cours de bioproduction car les processus biologiques sont, par nature, plus variables, plus complexes et donc difficiles à paramétrer. L’expertise en immunologie du Pr Sébastien VIEL alliée à l’expérience de l’équipe de techniciens et d’ingénieurs biomédicaux de la banque de tissus réunis autour du Dr Céline AUXENFANS et à la pluridisciplinarité de l’équipe de médecins-chercheurs, est un atout majeur dans le développement à venir de projets de bioproduction de thérapies cellulaires au sein de cette nouvelle plateforme désormais opérationnelle.

De manière globale, l’augmentation de la visibilité et l’expertise des HCL pourront progressivement permettre la mise en place de nouveaux partenariats industriels, dans un écosystème riche sur la thématique de l’immunologie. La plateforme de bioproduction sera également la porte d’entrée de nombreux projets de recherche académique axée sur des pathologies dites « de niche » ou des innovations de pointe, devant passer par des phases de preuve de concept et de démonstration d’efficacité dans des conditions proches de la clinique. A plus long terme, la fédération LIFe envisage l’élargissement des collaborations avec d’autres établissements hospitaliers de la région.

En chiffres

• Un budget global de 506 000 € financés par la Fondation HCL

• Dont 405 000 € pour l’équipement et 101 000 € pour l’aménagement d’une salle blanche de thérapie génique

• 15 professionnels experts au sein de la plateforme (médecin, pharmaciens, ingénieurs et techniciens)

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Blocs libres

Un projet rendu possible grâce à la Fondation HCL
L’ouverture en 2025 de la plateforme ARTEMIS a été permise grâce à la Fondation HCL, qui a su mobiliser de nombreux mécènes et donateurs autour du projet VINCI (pour VaINCre les maladies dys-Immunitaires). Plus de 500 000 € ont été collectés. Cette somme a permis notamment l’acquisition de l’équipement de bioproduction de thérapies cellulaires et géniques et la création d’une salle blanche de thérapie génique. « Les perspectives pour les patients atteints de maladies incurables, et les attentes formulées par les médecins et les chercheurs des HCL, nous ont immédiatement convaincus de la nécessité pour la Fondation HCL de s’impliquer dans la concrétisation de ce projet. Nous devions répondre présent ! Pendant plus d’un an, nous avons porté ce projet avec enthousiasme et nous sommes parvenus à convaincre de nombreux mécènes et donateurs particuliers. Avec eux, nous sommes fiers aujourd’hui de permettre aux équipes des HCL de produire elles-mêmes, et sur place, des « cellules médicaments », et nous nous réjouissons d’offrir ainsi aux patients du territoire une voie vers la guérison. », commente Sophie Mérigot, Déléguée générale de la Fondation HCL. L’installation de la plateforme de bioproduction de thérapies cellulaires et géniques des HCL a notamment bénéficié du soutien majeur de : Apicil, CIC-Lyonnaise de Banque, Descours & Cabaud, SNEF.

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