Sophie Pacaud, « Des IRM plein la tête »

Depuis 20 ans, Sophie Pacaud scrute les images par résonance magnétique en quête de toute anomalie. Investie aujourd’hui dans la recherche, son parcours témoigne de la vitalité sans précédent de l’électroradiologie.

Sophie Pacaud est enthousiaste quand il s’agit d’expliquer les caractéristiques du nouvel IRM 3 Tesla dont les HCL ont fait l’acquisition cette année 2024. « Cette installation est unique en Europe en clinique. Elle va permettre une étude du métabolisme, à partir des noyaux de sodium et de phosphore, qui n’était pas possible avant. »

Explications. L’IRM repose sur les propriétés magnétiques des noyaux des atomes. Ces derniers s’alignent lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique puissant mesuré en tesla (1), du nom du physicien serbe Nikola Tesla. L’envoi de radiofréquences perturbe cet alignement. Le retour à l’état initial s’accompagne de l’émission d’un signal. Ce signal, capté par les antennes positionnées autour du patient, va ensuite être décodé par un puissant calculateur pour produire les images IRM. « Avec cette technique d’imagerie, on peut étudier les tissus « mous » comme le cerveau, la moelle, les muscles, les organes digestifs… et détecter des cellules anormales », vulgarise la manipulatrice radio. 

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Sophie Pacaud, manipulatrice en électroradiologie médicale

 

Le corps étant composé à 80 % d’eau, l’IRM anatomique s’intéresse principalement aux noyaux d’hydrogène, la molécule d’eau comptant deux atomes d’hydrogène (reliés à un atome d’oxygène, H2O). La nouvelle IRM 3T s’intéresse quant à elle aux noyaux du phosphore et du sodium : « Le phosphore renseigne sur le métabolisme énergétique et le métabolisme membranaire ainsi que le pH intracellulaire.  Le sodium joue un rôle dans l’hémostasie (processus physiologique par lequel le corps contrôle et régule la coagulation du sang, ndr), dans la régulation de la pompe sodium-potassium (maintient l'équilibre électrolytique et le potentiel de membrane des cellules, ndr) et dans la viabilité cellulaire des tissus » explique la professionnelle. 

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La nouvelle IRM 3T

 

Avec cette technologie, très rare dans la pratique clinique, son activité professionnelle la situe aux avant-postes pour accéder à des processus biologiques et des conditions pathologiques inatteignables avec d’autres techniques d’imagerie. « Par exemple, nous espérons pouvoir obtenir des diagnostics plus précoces, évaluer plus finement la viabilité cellulaire responsable des accidents vasculaires cérébraux, l'efficacité des traitements médicaux pour ajuster les traitements si besoin, et bien sûr, c’est un outil précieux pour la recherche clinique, » défend-elle avec ferveur. 

Manipulatrice en électroradiologie depuis 26 ans à l’hôpital Édouard Herriot, c’est en 2004 qu’elle découvre l’imagerie par résonance magnétique.

« J’ai tout de suite aimé la complexité de l’IRM, qui demande de comprendre la physique. On apprend tous les jours, avec la technique et avec le patient. »

Cette solide expérience en tant que technicienne et soignante lui fait dire aujourd’hui qu’un « bon examen ne peut être obtenu qu’avec la coopération du patient qui doit être rassuré, informé et intégré au soin. » 

Diplômée en 1998, elle se réjouit de pouvoir suivre l’évolution constante des techniques d’imagerie, marquée ces dernières années par l’arrivée de nouvelles séquences d’acquisition et de nouvelles antennes servant à la réception du signal adaptées à chaque organe, et la diminution du temps nécessaire pour obtenir une image de qualité. « La précision gagnée au fil du temps désormais inférieure au millimètre a apporté des analyses plus fines, en trois dimensions, impossibles auparavant. »  

Approfondir ses connaissances, avancer dans son expertise 

À son poste, elle est aujourd’hui l’interlocutrice privilégiée des radiologues et des attachées de recherche clinique, pour rendre compte de la faisabilité des protocoles de recherche. Pour cela, elle a continué à se former. En juin 2022, soutenue par le PAM Imagerie des HCL, elle a obtenu un diplôme universitaire d’acquisition de compétences en recherche clinique. Dans nombre d’essais cliniques, l’imagerie médicale est requise. Dans ce cas, le manipulateur radio joue un rôle essentiel.

« C’est lui qui va garantir que le protocole de recherche est exécuté de la même façon. Il faut pour cela une grande rigueur et des professionnels formés aux protocoles de recherche. » 

En janvier 2023, Sophie Pacaud a répondu à un appel à projet paramédical. Sa volonté ? Améliorer la prise en charge des patients porteurs d’un dispositif médical implantable, soulevant un « vrai problème de santé publique », dit-elle. En effet, le champ magnétique de l’IRM étant incompatible avec le port d’objet métallique, les dispositifs médicaux implantables doivent être signalés. L’innovation proposée par Sophie Pacaud est de rassembler toutes les informations nécessaires comme la notice du dispositif dans Easily, « ce qui permettrait de prendre en charge les patients en toute sécurité et de sécuriser le manipulateur dans ses pratiques professionnelles. Ceci permettrait aussi un gain de temps aussitôt réinvesti dans la qualité des soins prodigués. »   

La recherche et l’innovation sont devenues pour elle son quotidien. D’ailleurs, elle compte aujourd’hui parmi les rares dans la profession à mener ses propres projets de recherche. En octobre 2023, elle décroche son deuxième diplôme universitaire en ingénierie appliquée en IRM, lui permettant d’approfondir la physique fondamentale. Son parcours encourage au développement d’une pratique avancée, à l’instar de celle en plein essor en soins infirmiers. « Devenir expert fait progresser sa profession », juge-t-elle, trop heureuse d’être au cœur des protocoles de recherche que les nouvelles explorations de l’IRM 3T ouvriront devant elle.   


(1) En clinique sont utilisés des champs magnétiques de 1.5 T et 3T principalement, en recherche de 7 T et, récemment, le CEA a publié les premières images de cerveau humain à des précisions jamais atteintes de 11,7 T.

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