« Si on m’enlève la clinique, tout le reste n’a plus de sens », Pr Alice Blet
Diplômée de la faculté de médecine Denis Diderot (Paris VII) en 2006, elle suit son internat à Nancy. Durant ce troisième cycle des études médicales, l’interne obtient également deux stages inter-CHU, c’est-à-dire en dehors de sa subdivision d’origine, l’un à Paris et l’autre à Lyon. Elle a choisi l’anesthésie-réanimation.
« Toutes les spécialités m’intéressent mais quelle que soit la spécialité médicale, très tôt je me suis rendue compte que ce sont les situations les plus aigües qui m’attiraient le plus. » Autre facteur pris en compte alors par la jeune interne aussi cérébrale qu’affective, « Je pensais que l’anesthésie réanimation allait me protéger de trop m’investir émotionnellement auprès du patient. »
Depuis, l’expérience lui a appris à faire face aux situations les plus tragiques… Car l’anesthésie réanimation, c’est aussi, au-delà des nombreux gestes techniques à pratiquer dans des circonstances parfois exceptionnelles, de nombreuses interactions avec les proches du patient.
Pilote dans un cockpit
Il est fréquent que le patient redoute l’anesthésie. Peur de se réveiller au cours de l’opération, ou au contraire, peur de ne pas se réveiller, bien souvent c’est la méconnaissance de l’anesthésie, phase essentielle du soin au bloc opératoire, qui accentue ces craintes. La discipline a connu ces dernières décennies des progrès technologiques, pharmacologiques et humains considérables. Le nombre de décès imputable à un acte anesthésique pour un patient en bonne santé est désormais inférieur à 1 sur 100 000 (1).
Formée à l’hypnose, forte de son savoir en pharmacologie, en physiologie et de son expérience clinique, Alice Blet ne cesse d’approfondir ses connaissances, sans jamais perdre de vue l’intérêt du patient.
« C’est parce que je suis médecin que je fais de la recherche. Si on m’enlève la clinique, tout le reste n’a plus de sens. »
Au bloc opératoire, elle est comme « un pilote dans son cockpit », dit-elle. Entourée de plusieurs moniteurs, la vigilance est maximale au « décollage et à l’atterrissage », soit au moment de l’endormissement et du réveil. « Et entre les deux, il faut gérer les turbulences… » Des turbulences, certaines interventions en sont inévitablement pourvues, comme les transplantations hépatiques pratiquées par les chirurgiens des hôpitaux de la Croix-Rousse et Femme Mère Enfant, comptant parmi les plus chevronnés en France. C’est dans ce contexte particulièrement stimulant que les recherches de la clinicienne se déploient avec pertinence.
Recherche translationnelle, enseignement et relationnel
Associée à Everest, l’institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié aux pathologies hépatiques à Lyon, la chercheuse concentre ses investigations sur la défaillance cardiaque en situation aigüe, et plus spécifiquement sur les biomarqueurs qui amorcent cette médecine prédictive et personnalisée en plein essor. Sa thèse de science (2), soutenue en 2016, portait déjà sur les nouvelles pistes thérapeutiques, thèse qu’elle obtiendra avec la mention « très honorable ». Son directeur de thèse n’était autre que le Pr Alexandre Mebazaa, chef du département d’anesthésie-réanimation des hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière, à Paris. « Probablement le médecin français le plus cité dans son domaine de spécialité », précise-t-elle.
Pour l’anecdote, la thésarde à l’époque doit présenter son mémoire en anglais devant un jury international. Un défi supplémentaire pour celle qui, depuis l’enfance, doit composer avec la dyslexie… « Durant mes études, il fallait que je relise mes notes à l’oral pour comprendre ce que j’avais écrit. »
En plus de son activité de recherche, la professeure des universités enseigne aux étudiants de l’université Lyon 1. Elle a encadré six thèses de médecine et six mémoires de DES (diplôme d’études spécialisées). Actuellement, elle encadre deux thèses de médecine et une étudiante de master 2 recherche. Elle participe également à l’organisation des examens cliniques à objectifs structurés, ces nouvelles modalités d’évaluation des compétences cliniques des étudiants en médecine. « Je ne prétends pouvoir tout mener à bien dans les 24 heures d’une journée. Je suis contrainte de choisir mes priorités et pour cela, il faut être bien entourée. Sur ce point, j’ai la chance avec le Pr Frédéric Aubrun, chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital de la Croix-Rousse, d’avoir une équipe très bien structurée, avec des médecins ayant chacun des responsabilités qui font tous un travail formidable. »
Depuis son arrivée à Lyon en mars 2022, enseignement, recherche et clinique demeurent ses principales priorités, chacune de ces activités alimentant les deux autres. Pourquoi avoir choisi le deuxième CHU de France ? « Il y avait la création de l’institut d’hépatologie de Lyon et, à l’hôpital de la Croix-Rousse, des hospitalo-universitaires, hépatologues et chirurgiens transplanteurs, avec lesquels nous menons des projets transversaux cliniques et expérimentaux sur la défaillance cardiaque en situation aigüe appliquée au patient cirrhotique et transplanté hépatique. » Ou l’illustration d’une recherche translationnelle qui invente avec le patient la Médecine de demain.
Le goût des autres
Au soin, à l’enseignement et à la recherche il faudrait donc ajouter le management et la gestion d’équipe « qui est une vraie mission à part entière », souligne-t-elle. Et pour l’accomplir au mieux, elle a suivi plusieurs formations dont la plus récente durant l’été 2023 :
« J’ai eu la chance de bénéficier de formations ici à Lyon et à Montréal et Ottawa par le biais des HCL et de l’université Lyon 1. Une réelle opportunité pour apprendre à adapter le management à l’individu et au collectif. »
Au Canada, qu’elle avait découvert en post-doctorat, elle retrouve d’anciens collègues avec lesquels elle lance des projets communs de recherche en cours actuellement. Ces formations adaptées aux professionnels de santé lui permettront de comprendre et d’identifier les modes de fonctionnement des membres de son équipe, de les stimuler, de faire en sorte que chacun puisse exprimer ses atouts et, surtout, de les concilier. Pour cela, elle sait être à l’écoute, valorisant la bienveillance et le savoir être, « une notion faisant partie du professionnalisme importante à nos yeux. »
Elle est en quelque sorte une cheffe d’orchestre dont la direction doit harmoniser les caractères, les compétences et les volontés individuelles. Avec l’objectif que les uns et les autres jouent la même partition au service du collectif et du malade. Car si, à l’origine, c’est son attrait pour la recherche qui l’a conduit à suivre des études médicales, aujourd’hui, le socle de son activité professionnelle repose sur la relation à l’Autre, à commencer par les liens qui la relient aux patients et à son équipe.
« Chaque patient est une rencontre, une nouvelle histoire à écouter, à prendre en compte au moment de la prise en charge. De même, dans le service, c’est l’intelligence collective qui nous porte chacun individuellement à nous améliorer pour faire avancer le soin. Et quoi de mieux qu’un CHU pour soigner les patients les plus fragiles et côtoyer les médecins les plus brillants ? »
(1) Amalberti et al., Ann Int Med 2005 ; 142 :756-64
(2) Sepsis et dysfonction cardiovasculaire : nouvelles pistes thérapeutiques. Le sepsis est un syndrome clinique de dysfonctionnement des organes potentiellement mortel provoqué par un dérèglement de la réponse immunologique à une infection.
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