Séquençage des variants du SARS-CoV-2 : les HCL en première ligne

Le nombre de cas positifs au variant Delta dit « indien » augmente. Comment le sait-on ? Grâce à au séquençage génomique. Cette technique de laboratoire s’appuie sur des machines de séquençage permettant de détecter les mutations du génome, des mutations qui peuvent avoir un impact sur les propriétés du virus, par exemple sa résistance aux vaccins.

Le séquençage ne se contente donc pas d’accumuler des données scientifiques sur les variations virales. Il fournit aussi de précieuses informations épidémiologiques.

Les virus et leur génome changent en permanence à mesure qu’ils se multiplient et infectent de nouveaux individus. Chaque reproduction virale implique une copie du matériel génétique. Cette réplication induit toujours des « erreurs » : les mutations. La plupart sont neutres et ne modifient pas le cycle de vie du virus. D’autres peuvent avoir un effet négatif sur l’existence même des virus qui les portent et sont donc rapidement éliminés.

Suivre l’évolution de ces mutations dans le temps permet de définir des lignages de virus. Chaque lignage correspond à un groupe de virus partageant des mutations identiques. Quand les mutations génétiques de ces virus modifient les propriétés du virus, augmentant par exemple sa contagiosité, sa virulence ou sa résistance aux vaccins, on parle alors de variant. Dans tous les cas, le lignage peut être à l’origine de chaînes de transmission responsables d’un cluster ou d’une épidémie.

Le séquençage génomique permet ainsi de tracer la diffusion du virus dans l’espace et le temps. Progressivement l’arbre phylogénétique qui rend compte des différents lignages génétiques issus de ces changements dresse la généalogie virale de l’épidémie, des origines aux infections les plus récentes. Il permet de rendre compte de la dynamique de l’épidémie et de comprendre pourquoi une nouvelle vague s’annonce ou se tarit.

En France, les centres nationaux de référence de Pasteur à Paris et des Hospices Civils de Lyon sont impliqués dans la surveillance génomique virale depuis le début de la pandémie. Début 2021, le projet national de surveillance génomique EMERGEN s’est structuré pour accroître les capacités de séquençage. Il réunit les centres nationaux de référence de Paris et Lyon, et aussi, de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.

Aux HCL, ils sont une quinzaine à travailler dans le centre de référence nationale des virus des infections respiratoires. Chacun participe à la génération et à l’analyse des données qui permettent d’obtenir la cartographie à l’instant T de la propagation du SARS-CoV-2 dans la population et de ses nombreux variants.

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Le séquençage n’a rien de facile. Cinq jours sont nécessaires pour obtenir les résultats. Il faut d’abord collecter les échantillons et les saisir administrativement. Puis, il faut extraire l’ARN viral, l’amplifier et le fragmenter en petits morceaux. Ces derniers seront déposés dans le séquenceur qui en fera la lecture.

Ensuite, les résultats sont analysés. Les séquences obtenues par les logiciels informatiques sont comparées avec la séquence d’origine retraçant la généalogie des lignages. Si des changements induisant des propriétés particulières (virulence, contagiosité, résistance etc.) apparaissent, le programme donne l’alerte. Aujourd’hui, l’attention est portée spécifiquement sur les mutations affectant le spicule (spike en anglais), cette protéine S qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer nos cellules et que ciblent les vaccins.

En près d’un an et demi, grâce à un financement de la DGS et de Santé Publique France, le débit de séquençage du laboratoire de virologie des HCL a été décuplé, passant de 100 séquences par semaine en janvier 2021 à presque 2 000 en mai 2021.

Une surveillance génomique stratégique

Les infections représentent un terreau fertile dans lequel peuvent naître de nouveaux variants. Suivre l’évolution génomique de ces copies peut permettre d’observer l’orientation prise par une lignée.

« Ainsi, nous avons observé l’ascension du variant anglais dans la population générale quinze jours avant son émergence chez les patients hospitalisés », indique Laurence Josset, virologue, responsable du séquençage dans le Centre national de référence des virus respiratoires et des entérovirus des Hospices Civils de Lyon. « Aujourd’hui en France, la prévalence du variant indien est infime. Si son taux de transmission est plus élevé que le variant précédent, il prendra le dessus et se propagera alors dans la population. »

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L’observation des mutations peut aussi permettre d’anticiper l’effet des immunothérapies chez les patients infectés. Une PCR ciblée (2) sur une mutation spécifique connue pour échapper ou résister à un anticorps monoclonal permet de proposer une prise en charge personnalisée au patient infecté, « par exemple, si on constate la mutation E484K sur la protéine spike chez un patient alors on sait que le virus va échapper au bamlanivimab qui est dans ce cas contre-indiqué en monothérapie », illustre la docteure lyonnaise.

Le centre national de référence des virus respiratoires, implanté à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, analyse des prélèvements en provenance de la partie sud de la France, issus des laboratoires privés et publics. Cette surveillance populationnelle est très importante car c’est elle aussi qui recense la majorité des cas d’échecs vaccinaux.

 

La recherche par séquençage : une nécessaire collaboration internationale

À l’échelle de la planète, c’est la plateforme Gisaid (pour global initiative on sharing avian influenza data), créée initialement pour la grippe, qui collecte les données sur le virus SARS-CoV-2. À ce jour, environ 2 millions de séquences y ont été partagées, améliorant chaque jour un peu plus nos connaissances du virus. « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère dans la surveillance des virus », commente, enthousiaste, la virologue.

« Bien que le nombre d’infections ait largement diminué au cours de la troisième vague, la surveillance génomique reste actuellement extrêmement importante, notamment dans le cadre de l’évaluation des clusters associés au variant préoccupant Delta dont la première détection a été réalisée en Inde en octobre 2020, ainsi que dans la caractérisation des cas d’échappement vaccinaux ou le suivi des patients immunodéprimés », informe Antonin Bal, virologue, praticien hospitalier et chercheur à l’hôpital de la Croix-Rousse.

À lui seul, le laboratoire des HCL a dépassé le seuil symbolique des 10 000 séquences partagées sur la plateforme de surveillance génomique internationale du SARS-CoV-2. Une contribution sans précédent qui participe à la détection des mutations susceptibles d'avoir des conséquences sur la contagiosité, la virulence ou l’échappement immunitaire.

 

  1. Dont un séquenceur à très haut débit pouvant lire jusqu’à 20 milliards de fragments d’ADN à la fois.
  2. En microbiologie, le PCR (amplification des acides nucléiques) est une technique d’amplification du génome. Le PCR de criblage amplifie spécifiquement les zones du génome porteuses de mutations.

 

Dernière mise à jour le : mar 20/02/2024 - 11:25
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