Les HCL réalisent la première greffe simultanée de rein et d’îlots pancréatiques en France
Réalisée en août dernier par les équipes de transplantation de l’hôpital Edouard Herriot, à partir de greffons issus d’un même donneur, la première greffe française simultanée "rein - îlots pancréatiques" ouvre des perspectives inestimables : finies les dialyses, fini le diabète pour les patients atteints d’un diabète de type 1 et en insuffisance rénale avancée. Constituant l’une des deux principales formes de diabète, le diabète de type 1 se déclare généralement durant l’enfance ou l’adolescence, provoqué par la destruction des cellules qui produisent l’insuline au niveau du pancréas, plus précisément au sein des îlots dits de Langerhans.
Considérée comme chronique et irréversible, cette maladie auto-immune impose un traitement par insuline à vie. Au cours de son évolution, elle peut engendrer de graves complications touchant le cœur, les vaisseaux sanguins, les yeux, les nerfs et les reins et conduire les patients en dialyse. D’après Santé Publique France, plus de 200 000 personnes vivent aujourd’hui avec cette pathologie en France. Parmi elles, chaque année, près d’1 sur 100 doit se faire hospitaliser pour une complication et près d’1 sur 1000 se trouve en insuffisance rénale sévère.
Moins de complications et un rétablissement plus rapide pour le patient
Premier patient à bénéficier de cette greffe simultanée, Christophe a connu beaucoup de ces symptômes, même si son cas s’avère quelque peu particulier. Lui avait 32 ans quand son diabète s’est déclaré, en 2004. Son état de santé s’est dégradé peu à peu : douleurs aux jambes, nerfs irrités, baisse de la vue - corrigée par une opération-, jusqu’à l’insuffisance rénale. En 2020, il est placé sous dialyse. Dans la foulée, il s’inscrit sur la liste nationale d'attente pour une greffe de rein. Il ne souhaite pas postuler à une greffe de pancréas en raison des risques liés cette chirurgie lourde. Fin 2023, toujours dans l’attente, on lui parle d’un nouveau protocole : la greffe d’îlots de Langerhans, susceptible de remplacer efficacement la greffe de pancréas. Christophe ouvre un nouveau dossier pour en bénéficier, en plus de la greffe de rein.
« Nichés dans le pancréas, les îlots de Langerhans sont constitués de centaines de millions de cellules endocrines. Ce sont elles qui produisent l’insuline. Il semble donc plus logique pour les patients diabétiques, qui ne secrètent pas d’insuline, de greffer des îlots plutôt qu’un pancréas entier, comme cela se pratique depuis longtemps. La chirurgie est surtout beaucoup moins invasive. La greffe d’îlots consiste en une injection des cellules endocrines, par la veine porte, directement dans le foie. Cela se fait en radiologie interventionnelle, sous une simple anesthésie locale. Par rapport à une transplantation de pancréas, cela engendre également beaucoup moins de complications et un rétablissement plus rapide pour le patient », décrit le Pr MORELON, chef du service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique de l’hôpital Edouard Herriot.
Les îlots de Langerhans injectés moins de 48 heures après la transplantation rénale
Début août 2024, la bonne nouvelle tombe pour Christophe : un greffon de rein est disponible. Le dimanche 4 août, il se rend plein d’espoir à l’hôpital Edouard Herriot en vue de bénéficier d’une transplantation rénale. Effectuée par l’équipe du service d’urologie et de chirurgie de transplantation, celle-ci se déroule sans accroc. Entre-temps, le pancréas du même donneur a été acheminé au laboratoire d’isolement d’îlots des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), dirigé par le Pr Ekaterine BERISHVILI. Dans ce laboratoire spécialisé, partenaire des HCL, les îlots sont préparés pour une greffe : extraits du pancréas, purifiés et comptés. Après avoir vérifié que le nombre d’îlots disponibles était approprié au cas de Christophe, le Pr MORELON propose alors à son patient, à son réveil, de procéder sans plus attendre à la greffe d’îlots de Langerhans.
Le mardi 6 août, moins de 48 heures après la transplantation rénale, l’équipe du service d'imagerie médicale et interventionnelle de l'hôpital Edouard Herriot, procède à la greffe - plus exactement à l’injection - des îlots de Langerhans. Jamais une double intervention de la sorte, avec la transplantation simultanée d’un rein et d’îlots de Langerhans, issus du même donneur, n’avait été pratiquée en France. Jusqu’à présent, le rein était greffé en premier et la greffe d’îlots réalisée plusieurs mois après, avec des cellules provenant d’un autre donneur.
« Les très bons résultats des greffes d’îlots réalisées après les greffes de rein dans notre service depuis 2023 nous permettaient d’envisager, puis, après la réception du laboratoire de Genève de la quantité d’îlots disponibles, de réaliser cette double transplantation simultanée, offrant ainsi au patient la possibilité de bénéficier d’une greffe du même donneur pendant le même séjour hospitalier », souligne le Pr Thierry BERNEY, responsable du programme de transplantation d’îlots dans le service du Pr MORELON.
25 ans avant, l’une des premières greffes d’îlots avait déjà été réalisée à Edouard Herriot
Outre le savoir-faire de l’équipe pluridisciplinaire de transplantation de l’hôpital Edouard Herriot, cette première double greffe rein-îlots a été rendue possible par la reconnaissance de la transplantation d’îlots de Langerhans comme une thérapie de soins courants, par la Haute Autorité de Santé (HAS), en juillet 2020. Avant cette date, les îlots étaient déjà greffés en France depuis plus de deux décennies, mais uniquement à titre expérimental, dans le cadre de protocoles de recherche cliniques. Les HCL ont d’ailleurs fait figure de pionniers dans ce domaine, en tant que membres fondateurs du réseau franco-suisse GRAGIL (Groupe Rhin-Rhône-Alpes-Genève pour la transplantation d’Îlots de Langerhans), qui, dès la fin des années 90, a été l’un des piliers de cette activité de recherche clinique en France. En 1999, l’une des premières greffes françaises d’îlots a été réalisée à l’hôpital Edouard Herriot par les équipes médicales des services d’urologie et de transplantation.
A la suite de la décision de la HAS, six CHU français (Lyon, Grenoble, Paris, Lille, Strasbourg, Montpellier) ont obtenu les autorisations nécessaires à leur transplantation. Une première greffe en "routine" a été effectuée en mars 2023 à l’hôpital Edouard Herriot. En moins de deux ans, avec la volonté des HCL de développer un programme intégré de thérapie du diabète de type 1, s’appuyant sur les bases solides du programme de transplantation pancréatique et sur l’expertise du service d'imagerie médicale et interventionnelle ainsi que celle des diabétologues du service d’endocrinologie-diabète-nutrition de l’hôpital Lyon Sud, une trentaine d’injections d’îlots ont été entreprises à l’hôpital Edouard Herriot, 18 rien que sur l’année 2024.
Aujourd’hui, la greffe simultanée avec un rein marque le franchissement d’une étape supplémentaire. « Dès que nous avons pu greffer des îlots en soins courant, nous avons voulu développer cette activité de greffe rein-îlots simultanée. Mais, il fallait d’abord que les règles d’allocation des greffons pour cette double greffe soient clairement établies par l’Agence de la Biomédecine », relate le Dr Fanny BURON, praticienne-hospitalière dans le service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique.
L’ambition de réaliser de 6 à 8 greffes simultanées "rein-îlots" chaque année
A la suite de Christophe, deux autres patients des HCL ont pu, à leur tour, bénéficier de cette greffe simultanée à l’hôpital Edouard Herriot, l’un fin octobre, l’autre début décembre. Avec des chances de réussite plutôt bonnes à long terme. « Les trois patients présentent aujourd’hui des greffes fonctionnelles. Le fait d’avoir des greffons issus d’un même donneur facilite l’acceptation par le corps. Par ailleurs, la greffe effectuée en une fois plutôt qu’en deux évite une double chirurgie au patient et lui fait gagner plusieurs mois de convalescence », précise le Dr BURON. Désormais parfaitement maitrisée par les équipes de l'hôpital Edouard Herriot, la transplantation simultanée "rein-îlots pancréatiques" est appelée à se développer rapidement. Dès cette année 2025, 6 à 8 doubles greffes annuelles sont envisagées. Cet objectif devrait être facilité par le développement prochain, en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), d’un laboratoire d’isolement des îlots pancréatiques au sein même de l’hôpital Edouard Herriot.
En parallèle, les modalités de thérapie cellulaire du diabète sont en pleine expansion avec à l’horizon les possibilités offertes par la médecine régénérative (cellules-souches) et la bio-ingénierie. Elles constituent un sujet de recherche majeur du groupe INSERM du Pr Olivier THAUNAT, chef adjoint du service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique de l’hôpital Edouard Herriot, dont l’expertise en immunologie de transplantation est un élément clé dans plusieurs collaborations nationales et internationales, notamment avec l’équipe des Hôpitaux Universitaires de Genève. De quoi amplifier encore les espoirs de guérison, en permettant aux patients d’accéder à une transplantation cellulaire avant le développement de complications redoutées, telles que l’insuffisance rénale.
- Hôpital Edouard Herriot - Établissement
- Groupement Hospitalier Centre - Rubrique
Cinq mois après sa double opération, et malgré quelques complications, Christophe, 52 ans, vigneron au Val d’Oingt (Rhône), se rétablit doucement mais sûrement auprès de sa compagne, de ses deux filles et de ses vignes du Beaujolais, qu’il n’a jamais cessé de cultiver malgré sa maladie. Comme le veut le protocole, il a reçu une seconde injection d’îlots fin octobre. Il devra attendre la 3e et dernière, prévue dès qu’un nouveau donneur compatible sera identifié, pour s’assurer d’être pleinement guéri du diabète. Mais, il ressent déjà les effets positifs de sa double greffe.
« Je ne suis plus fatigué, je n’ai plus mal aux jambes, mon taux de créatinine est très bon, je ne prends presque plus d’insuline et n’en prendrai plus du tout après la 3e injection d’îlots. Et puis, surtout, je suis débarrassé de ma dialyse péritonéale. Tous les soirs, pendant plus de trois ans, j’ai dû me brancher à un appareil, je n’en pouvais plus. La première fois que je me suis réveillé, chez moi, après la greffe, quand je me suis touché le ventre et qu’il n’y avait plus de tuyau, j’en ai pleuré. Cette opération m’a changé la vie », confie-t-il aujourd’hui.
Depuis le mois d’août, Christophe continue d’être surveillé de près par les équipes médicales de l'hôpital Edouard Herriot, avec des prises de sang chaque semaine et une consultation une fois par mois à l’hôpital. Ce suivi s’allègera au fil du temps, mais il est prévu pour durer à vie. Avec un objectif, comme pour tous les patients transplantés : faire en sorte que les greffons fonctionnent le plus longtemps possible. « L’hygiène de vie joue un rôle très important. Mais, j’en ai l’habitude puisque, depuis la survenue de mon diabète, je fais très attention à mon alimentation. Donc, ça ne change pas grand-chose. Au contraire, c’est même plus facile maintenant grâce à la greffe. Je me sens en forme, j’ai retrouvé du moral et de l’énergie. Je me suis même permis de manger deux ou trois papillotes à Noël ! », sourit-il.