Leaders dans le traitement par CAR-T cells, les HCL soignent leur 500e patient adulte avec cette thérapie révolutionnaire
En janvier 2025, le registre national DESCAR-T, qui collecte les données de l’ensemble des patients traités par CAR-T cells en France, annonçait que 5 000 patients avaient déjà pu bénéficier de cette thérapie cellulaire révolutionnaire, depuis son autorisation de mise sur le marché, à l’été 2018. A peine quelques semaines plus tard, les HCL ont franchi, courant mars, le cap des 500 patients adultes inclus. A eux seuls, ils ont donc pris en charge près de 10% du total des patients soignés à ce jour par CAR-T cells sur le territoire hexagonal. Alors qu’aujourd’hui la France compte une quarantaine de centres qualifiés pour cette immunothérapie innovante, le CHU de Lyon conforte ainsi sa place parmi les leaders dans le domaine, au niveau national, mais aussi international. A ce jour, il demeure même le premier site, en France, dans le traitement des lymphomes, de loin la principale pathologie soignée par CAR-T cells (environ 75% des indications), avec plus de 400 patients concernés
Près de 100 patients adultes inclus chaque année dans le programme CAR-T cells des HCL
« En 2018, nous étions l’un des seuls établissements en France à proposer ce traitement par CAR-T cells. Nous pensions qu’avec l’ouverture d’autres centres qualifiés au fil des ans, nous accueillerions moins de patients. Mais, c’est le contraire qui s’est produit. Il nous a fallu quatre ans pour atteindre les 200 patients adultes traités. Depuis, au cours des trois dernières années, nous en avons inclus 300 supplémentaires. Aujourd’hui, nous traitons près de 100 malades chaque année. L’expansion de cette thérapie à de plus en plus d’indications constitue l’une des explications. Il est également probable que la reconnaissance de notre expertise a pesé », souligne le Pr Hervé GHESQUIERES, chef du service d’hématologie clinique de l’hôpital Lyon Sud-HCL, qui pilote le programme CAR-T cells des HCL.
La place de référence des Hospices Civils de Lyon dans l’utilisation des cellules CAR-T ne vaut pas que par le nombre de patients traités. Parmi les premiers centres européens à avoir dispensé ce traitement, dès 2017, dans le cadre d’une étude thérapeutique internationale, le CHU de Lyon n’a jamais cessé, depuis, de jouer un rôle prédominant dans le développement de cette nouvelle thérapie. Outre la publication de nombreux articles scientifiques (plus d’une quarantaine) qui ont permis d’alimenter les connaissances mondiales sur le sujet, le service d’hématologie clinique de l’hôpital Lyon Sud a, récemment, été parmi les premiers en Europe à expérimenter des Allo-CAR-T cells. Normalement élaborées à partir des propres lymphocytes T du patient [lire encadré], ces Allo-CAR-T cells proviennent, dans ce cas, d’un donneur sain. Les équipes de l’hôpital Lyon Sud les ont déjà testées sur trois patients, dans le cadre d’un essai international inédit, ouvrant de nouvelles perspectives.
En parallèle, forts de l’expérience accumulée depuis huit ans, les HCL continuent d’œuvrer, au quotidien, à la progression de la thérapie par CAR-T cells, sous quatre aspects :
- L’optimisation du parcours patient
- L’amélioration de la coordination régionale
- La gestion des effets secondaires
- La réduction du temps de traitement
1. L’optimisation du parcours patient
Au fil des années, dans un principe d’évolution continue, le parcours patient proposé aux HCL n’a cessé d’être amélioré, afin d’assurer la prise en charge la plus confortable qui soit pour ces malades éprouvés par les traitements précédents. A l’hôpital Lyon Sud, une centaine de professionnels sont aujourd’hui impliqués, dont deux infirmières de coordination, Marlene VERCASSON et Carole HOSPITAL-GUSTEM, qui guident le patient tout au long de son parcours. Celui-ci compte six étapes principales, compressées dans un temps minimal :
- Etape 1 : la consultation d’éligibilité avec l’un des 25 médecins-experts du service d’hématologie clinique.
- Etape 2 : la leucaphérèse. Réalisée par les équipes de l’établissement français du sang (EFS), elle consiste à prélever les lymphocytes T, via une machine spécialement conçue pour cela. Grâce au travail de l’EFS, cet acte se fait de plus en plus rapidement, avec des conditions de confort et de sécurité sans cesse améliorées.
- Etape 3 : la période d’attente. Après un passage règlementairement obligatoire par la Banque de tissus et cellules HCL/EFS, ces lymphocytes T sont adressés à différents laboratoires, en Europe ou aux Etats-Unis, qui vont les booster, les transformant en CAR-T cells capables de détecter et détruire la tumeur.
- Etape 4 : l’injection des CAR-T cells. Après 3 à 4 semaines de passage en laboratoire, les lymphocytes T, devenus CAR-T cells, sont réceptionnés par le service de pharmacie de Lyon Sud la plupart du temps sous forme de petites poches conservées à très basse température (jusqu’à -180°C) dans la phase vapeur de l’azote liquide . Le jour-J, les pharmaciens vont les décongeler, au bain-marie, avant que ces CAR-T cells ne soient administrées au patient, via une perfusion. 48h à 72h auparavant, le patient doit subir une chimiothérapie permettant de faire « place nette » pour les nouvelles cellules.
- Etape 5 : la gestion des effets secondaires. Pendant 10 à 20 jours, le patient reste en observation à l’hôpital, le temps que soient contrôlés d’éventuels effets secondaires.
- Etape 6 : le suivi. Après avoir regagné son domicile, le patient bénéficie d’un suivi régulier pendant au moins une année pour s’assurer de l’efficacité de son traitement par CAR-T cells. Il peut également effectuer un séjour de rééducation dans l’unité de réadaptation spécialisée d’hématologie de l’hôpital Henry Gabrielle.
Dr Pierre SESQUES, médecin dans le service d’hématologie clinique : « Le fait de faire participer de plus en plus de patients dans le programme CAR-T cells et de répéter les étapes nous a permis d’optimiser le parcours de soins. Aujourd’hui, sur la cinquantaine de jours que dure le processus, ente l’étape 1 et l’étape 5, le patient se rend un minimum de fois à l’hôpital et n’y reste, à chaque fois, que le temps nécessaire. Grâce à notre savoir-faire, mais aussi à la présence indispensable des infirmières de coordination, tout est organisé à la minute près. Ce parcours, dans lequel le patient n’a pas l’impression de passer sa vie à l’hôpital, a servi de modèle à d’autres établissements ».
Dr Valérie MIALOU, cheffe de service de la banque de tissus et cellules EFS de Lyon et responsable régionale de l’activité de thérapie cellulaire et tissulaire de l’EFS AURA : « L’EFS, partenaire des HCL depuis de nombreuses années, en particulier dans le domaine de la thérapie cellulaire, a contribué à ce succès, notamment en ouvrant des lits d’aphérèse pour permettre d’augmenter le nombre de prélèvements réalisables dans des délais les plus courts possibles. Actuellement le temps d’attente pour une leucaphérèse est de moins d’une semaine, ce qui est exceptionnel en Europe. L’EFS s’est également doté du personnel nécessaire et spécifique côté banque de tissus et cellules pour l’envoi des cellules et surtout pour pouvoir disposer d’une plus grande réactivité vis-à-vis des demandes des industriels. Ceci a permis de pouvoir participer à de nombreux essais cliniques et de toujours répondre aux nombreuses sollicitations des industriels pour la production de CAR-T-cells. »
Dr Verane SCHWIERTZ, pharmacienne en charge des médicaments de thérapie innovante à l’hôpital Lyon Sud : « Les CAR-T cells nécessitent une expertise pharmaceutique particulière afin de garantir la sécurité des patients. L’ensemble de l’équipe est spécialisé et formé à la gestion de ces médicaments de thérapie innovante. Nous disposons également d’équipements et de matériel qualifié et calibré pour le stockage et la préparation des CAR-T cells. La prise en charge de ces patients nécessite une vraie coordination de l’ensemble des professionnels de santé. Nous échangeons quotidiennement avec les équipes médicales et les infirmières de coordination afin de fluidifier le parcours des patients et de réduire au maximum leur temps d’attente. Il s’agit d’une véritable mission collective ».
2. L’amélioration de la coordination régionale
Limiter les impasses thérapeutiques et démarrer le traitement par CAR-T cells au plus vite en cas d’échec des chimiothérapies représentent des points cruciaux pour des patients au pronostic souvent sombre. Pour y parvenir, il a fallu apprendre à faire connaître cette nouvelle thérapie en dehors de Lyon. Cet enjeu a constitué l’un des chevaux de bataille des équipes médicales des HCL, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pendant huit ans pour former leurs pairs partout dans la région.
Dr Caroline LE LAN, praticienne du service d’hématologie clinique : « Il est inconcevable que des patients puissent avoir une perte de chance parce qu’ils habitent à 2h de Lyon ou parce que leur médecin n’a pas entendu parler des CAR-T cells. Nous avons sensibilisé les médecins de la région pour que chaque patient soit traité aussi bien et aussi rapidement qu’un autre. Aujourd’hui, grâce au maillage d’un réseau solide et qui continue de s’étendre, de nombreux patients proviennent d’établissements périphériques : Vienne, Roanne, Bourgoin, Chambéry, Annecy… ».
3. La gestion des effets secondaires
Insérer des lymphocytes T modifiés dans le sang de patients à l’immunité souvent fragile, d’autant plus après la chimiothérapie subie au préalable, peut provoquer des effets secondaires. Au cours des dix à douze jours qui suivent l’injection des CAR-T cells, quatre effets secondaires peuvent se déclencher :
- Le syndrome de relargage cytokinique (CRS). La rencontre entre les CAR-T cells et la tumeur peut libérer des molécules inflammatoires provoquant de la fièvre chez le patient.
- Des troubles neurologiques. Si elles atteignent le cerveau, les molécules inflammatoires peuvent entrainer des troubles d’élocution, de l’écriture ou des moments de confusion.
- Les cytopénies : une chute du nombre de globules blancs et de plaquettes.
- Un risque infectieux, en raison d’une immunité fragilisée.
Mais, dans ce domaine encore, l’expérience des équipes du programme CAR-T cells des HCL permet aujourd’hui de mieux gérer ces effets indésirables.
Pr Hervé GHESQUIERES, chef du service d’hématologie clinique de l’hôpital Lyon Sud : « Au départ, comme nous étions parmi les premiers à expérimenter cette thérapie, chaque déclenchement d’un effet secondaire nous interrogeait. Nous n’avions pas de point de comparaison et ne savions pas toujours comment les contrôler. Désormais, nous avons suffisamment d’informations et sommes beaucoup plus sereins. Dans 90% des cas, le phénomène de CRS est rapidement maitrisé. Pour les troubles neurologiques, qui surviennent chez 40% des patients, nous travaillons avec des neurologues et réussissons à ce qu’ils soient peu symptomatiques et très passagers. Les deux derniers effets secondaires sont moins fréquents. Mais, là encore, nous parvenons à beaucoup mieux les limiter qu’au tout début ».
4. La réduction du temps de traitement
Gagner du temps, à tous les niveaux, c’est l’un des objectifs principaux poursuivis par les HCL depuis le lancement du programme. Si le parcours-patient tout comme le délai d’adressage ont bénéficié d’une optimisation continue, l’une des problématiques réside dans l’envoi à l’étranger des lymphocytes T. A ce jour, aucun laboratoire n’étant habilité, en France, pour la création de CAR-T cells, la durée totale du processus s’avère difficilement compressible au-delà de la cinquantaine de jours nécessaires actuellement, même si l’expérimentation d’Allo-CAR-T cells représente un espoir sur cet aspect. L’ouverture de la plateforme de bioproduction, ARTEMIS, à l’hôpital Edouard Herriot, en février dernier, pourrait changer la donne. A terme, l’ambition des HCL est d’y produire, sur place, ses propres CAR-T cells.
Pr Emmanuel BACHY, chef-adjoint du service d’hématologie clinique de l’hôpital Lyon Sud : « En fabriquant des CAR-T cells au sein même des HCL, les bénéfices pourraient être importants et complémentaires de ceux fabriqués par l’industrie pharmaceutique. Au-delà du raccourcissement des délais de transfert et de production, l’efficacité des CAR-T cells serait potentiellement renforcée, puisqu’elles seraient réinjectées à l’état dit « frais » ; c’est-à-dire sans phase de congélation préalable. Cela engendrerait également une baisse mécanique du coût du traitement (environ 300 000 € par patient à ce jour). Enfin, cela pourrait ouvrir la porte au développement de nouveaux CAR, utilisant d’autres cellules que les lymphocytes T ou ciblant d’autres antigènes, permettant ainsi de traiter d’autres cancers ».
- Institut de cancérologie des HCL - Rubrique
- Hôpital Lyon Sud - Établissement
- Groupement Hospitalier Sud - Rubrique
👉Lire le communiqué de presse et le témoignage de Simon, patient ayant bénéficié du traitement par CAR-T cells.
Depuis 2022, des CAR-T cells pédiatriques à l’IHOPe
Les HCL sont également engagés dans le traitement par CAR-T cells en pédiatrie. Depuis 2022, cette thérapie génique innovante est administrée dans le service d’immuno-hématologie pédiatrique, dirigé par Pr Carine HALFON-DOMENECH, au sein de l’Institut d’Hématologie et d’Oncologie pédiatrique (IHOPe, fruit d’un Groupement de Coopération sanitaire entre les HCL et le Centre Léon Bérard). Ce traitement représente un nouvel espoir pour les jeunes patients souffrant de leucémies aigües lymphoblastiques B, réfractaires à la chimiothérapie ou en rechute, qui se retrouvaient auparavant, à ce stade, dans une impasse thérapeutique. Les équipes de l’IHOPe réalisent la leucaphérèse, puis l’administration de cette immunothérapie dans des lits d’unité protégée disponibles pour les enfants et adolescents de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes.