Neurologie : terreau fertile pour l’expertise en soins infirmiers

La neurologie souffre d'un déficit d'image. Une fois qu'on la découvre, il est difficile de s'en détacher.

« Récemment, une élève infirmière m’a confié qu’elle avait tout fait pour éviter de venir chez nous. Mais qu’après son stage, elle se verrait bien travailler à Neuro », partage Françoise, infirmière à l'hôpital Pierre Wertheimer.Françoise, infirmière depuis 33 ans à l’hôpital Pierre Wertheimer, est tutrice chargée du suivi et de l’accompagnement des stagiaires et des nouveaux arrivants en neurochirurgie. « La neurologie est peu abordée en institut de formation. Les étudiants ont la concernant peu de connaissances et beaucoup de préjugés. Mais après leur stage, nous réussissons à les recruter », soulève, de même, Lou, infirmière depuis 2019 aux Hospices Civils de Lyon, et tutrice depuis un an et demi dans le service de réanimation neurologique.

Sans même se concerter, le constat est identique : oui, la neurologie souffre d’un déficit d’image, mais une fois qu’on la découvre, il est difficile de s’en détacher.

« En tant que professionnels du soin en neurologie, nous pouvons explorer la gestion de l’urgence, les soins de suite et de réadaptation, l’éducation thérapeutique, les soins palliatifs, etc. », souligne Ruthie, infirmière en pratique avancée (IPA) depuis juillet 2022, et dans l’unité neurovasculaire depuis 2009.

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Hôpital Pierre Wertheimer
L'hôpital Pierre Wertheimer est spécialisé dans la prise en charge des pathologies neurologiques et neurochirurgicales.

Des savoirs cliniques, éthiques, pratiques

Les soins infirmiers en neurologie, ce sont des gestes techniques, « il faut savoir poser les voies veineuses centrale et périphérique, les sondes urinaires, nasogastriques, pratiquer les aspirations, etc., autant de gestes à maîtriser en routine et en situation d’urgence », poursuit-elle.

Ce sont aussi des soins d'hygiène et de confort nombreux et spécifiques. Ce nursing prend en charge des patients « souffrant de pathologies lourdes, complexes. Ils peuvent être agités. Certains ne parlent pas », explique Jeanne, aide-soignante en neurochirurgie.

« Il est très angoissant d’être opéré du cerveau », ajoute Françoise, « les patients craignent d’être désorientés après l’intervention. Il faut être très à l’écoute de leur anxiété, préserver une présence amicale à leurs côtés avant l’intervention, expliquer clairement le déroulement de l’hospitalisation. »

Les angoisses, Isabelle y est fréquemment confrontée. Infirmière de nuit depuis 1998, et dans l’unité 101 depuis plus de trois ans, elle prend en soin des patients atteints de maladies inflammatoires du cerveau et de la moelle. « Il y a beaucoup d’angoisse le soir. Il est important de les préparer au sommeil. La nuit, on prend le temps d’échanger. Le plus intéressant, c’est la relation avec le patient. Certains sont autonomes, d’autres dépendants. Aucune nuit ne se ressemble. » Elle forme avec l’aide-soignante un véritable binôme : « Il faut bien s’entendre et aller dans le même sens. » Malgré les années, cette infirmière expérimentée n’a rien perdu de son enthousiasme. En réanimation neurologique, le temps là aussi semble parfois s’écouler différemment. « Les patients sont surmonitorés et la clinique est essentielle pour repérer les premiers signes de dégradation neurologique. L’équipe infirmière est la plus présente aux côtés du patient. C’est elle qui va donner l’alerte, par exemple, si le discours du patient change au cours de la journée, premier outil de repérage de dégradation neurologique », explique Lou.

En neurologie, l’aspect éthique est également très présent. Les équipes soignantes sont au contact des proches, maintenus dans l’incertitude du réveil, du pronostic ou face à l’inéluctable. « Les échanges sont nombreux avec les familles. Il faut trouver les bons mots, prendre du recul, faire preuve d’empathie, mais aussi répondre aux questions liées à la mort cérébrale et au don d’organes et de tissus », indique l’infirmière spécialisée dans l’urgence neurologique, où le taux de mortalité est de 30 %.

Ruthie s’occupe de ces patients qui ont vu leur vie basculer brutalement lors d’un accident vasculaire cérébral : « C’est un choc psychologique pour le patient et son entourage. L’accompagnement des proches fait partie de l’activité infirmière. » En tant qu’IPA (infirmière de pratique avancée), elle rencontre les patients deux mois après leur hospitalisation, avant la consultation médicale à six mois.
Depuis décembre 2022, elle a vu une cinquantaine de patients avec l’objectif d’améliorer le contrôle des facteurs de risque et de dépister le handicap invisible après un AVC. « Les troubles de la concentration et de l’attention et la fatigue altèrent la qualité de vie. Dépister précocement ces handicaps invisibles peut éviter leur aggravation. » Dans ce cadre, elle est en contact avec le médecin de ville pour assurer le suivi des patients.
En 2024, un autre projet mobilisera ses compétences avec l’ouverture d’une activité de prise en charge en ambulatoire des patients qui ont été atteints par un accident ischémique transitoire (AIT). Une nouvelle occasion de continuer à approfondir ses connaissances au plus près du patient.

« La connaître, c'est l'aimer »

Dans cet environnement en constante évolution, la formation continue « nous permet de suivre les innovations qui font avancer les soins infirmiers », relève Françoise. « Au début de ma carrière, les anévrismes étaient opérés à crâne ouvert, aujourd’hui 90 % sont embolisés par voie endovasculaire », illustre-telle, et de préciser : « Cela fait une grande différence pour le patient en soins de suite et de réadaptation. »
Elle estime de six mois à un an le temps nécessaire pour former un infirmier dans cette spécialité. Dans le contexte de difficultés de recrutement, le challenge est de maintenir les expertises paramédicales. Ruthie et sa consœur Vanessa ont pris l’initiative de concevoir une « boîte à outils » pour actualiser et transmettre les connaissances et les pratiques aux nouvelles recrues.

Force est de constater que l’hôpital Pierre Wertheimer présente de nombreux atouts. Au sein du deuxième CHU de France, cet hôpital de spécialité n’a pas fini de faire parler de lui. Pour les jeunes recrues, il est un terrain de jeu formidable pour s’épanouir professionnellement. Innovant, favorisant le travail collaboratif entre professionnels et une relation au patient très formatrice, il est riche de ses spécificités liées à la neurologie. Comme le souligne avec conviction Lou, « la neurologie est une spécialité qui fait réfléchir, qui nous apprend à nouer une relation particulière avec le patient, qui nous offre de réelles opportunités de formation et d’évolution. La connaître, c’est l’aimer. »

Dernière mise à jour le : mar 17/10/2023 - 18:03