Fripharm : la pharmacie haute-couture des HCL

Production de médicaments sur-mesure, non disponibles sur le marché ou destinés à des essais cliniques, Fripharm œuvre, en coulisses, pour apporter les meilleurs soins aux patients.

Hôpital Edouard Herriot, pavillon X. Derrière la façade historique, une porte anti-effraction s’ouvre sur un dédale de couloirs que l’on emprunte jusqu’à un autre accès sécurisé. Au-delà, c’est un tout autre décor. Murs blancs, néons, mobilier en inox, chariots chargés de flacons et de poches, silhouettes de cosmonautes… Bienvenue à Fripharm (pour Fabrication Recherche Innovation Pharmaceutique), plate-forme pharmaceutique hospitalo-universitaire sans équivalent en France.

Véritable industrie miniature, cette unité de production et de contrôle des médicaments, rattachée à la pharmacie de l’hôpital Edouard Herriot, a été créée en 1989. Sa mission : contribuer à apporter les meilleurs soins thérapeutiques aux patients hospitalisés dans les établissements des HCL ou à leur domicile, en fabriquant et en contrôlant des médicaments avec des doses personnalisées nécessaires à leur traitement (préparations magistrales et hospitalières, essais cliniques).

Une mini-industrie au service du patient

De ce plateau ultra-technique de 600 m2, sortent chaque année, quelque 170 000 unités médicamenteuses stériles et non stériles, réalisées dans des conditions d’hygiène et d’asepsie strictes. Un service de pointe, doté d’une unité de production de préparations stériles flambant neuve de 200 m2, inaugurée en décembre 2018 pour répondre à l’évolution des exigences réglementaires, qui aura nécessité deux ans de travaux et 1,5 million d’euros d’investissement hors équipements. Elle dispose de trois zones à atmosphère contrôlée pour la préparation de médicaments stériles ou présentant un risque pour le personnel et bénéficie d’équipements sophistiqués comme l’isolateur de préparation permettant une protection totale des produits et des préparateurs, les deux postes de sécurité microbiologique ou un automate de remplissage et bouchage de flacons.

"Nous sommes organisés comme une mini-industrie. Nous fabriquons selon les mêmes prérequis de stabilité, qualité et sécurité que l’industrie pharmaceutique, détaille le professeur Fabrice Pirot, pharmacien spécialiste de la recherche galénique, à la tête de Fripharm.”

Campée devant le grand tableau blanc qui déroule le programme de production de la semaine, Samira Filali, docteur en pharmacie et responsable de la production, précise : “Nous ne fabriquons ‘que’ 300 unités par préparation, mais nous avons près de 200 références à notre catalogue. Cela nous contraint à faire simple et rapide. Et nous permet de répondre à de nombreuses demandes des Hospices civils ou d’établissements partenaires, dans le cadre de rétrocessions pour des patients à domicile ou pour des essais cliniques.” Il y a quelques semaines, Fripharm a livré au Centre Léon Bérard, en 30 minutes, un collyre introuvable en officine, pour un patient sur le point de perdre un œil. “Nous avons pu délivrer ce médicament en un temps record car nous avons mis au point, l’an dernier, un procédé unique de congélation, permettant d’optimiser la production par campagne. Nous proposons également une concentration plus élevée et un conditionnement en multi-doses breveté.”

Innovation sur ordonnance

« Ce qui nous distingue, renchérit le professeur Pirot, c’est notre dimension recherche et innovation. La plupart d’entre nous est titulaire d’un doctorat en sciences et bi-appartenant Hospices civils et Université Claude Bernard Lyon-1. » « Notre spécialité, rebondit le docteur Damien Salmon en charge, en autres, du système d’assurance qualité et de la supervision du processus recherche et développement, aller où personne ne va. » « A titre d’exemple, dans le cadre de nouvelles stratégies qui consistent à se servir du vivant pour soigner le vivant, Fripharm® collabore à la thématique des thérapies bactériophages dans le cadre d’un projet des Hospices civils de Lyon », complète le docteur Christine Pivot, chef de service de la pharmacie du GHC. Fripharm® peut aussi être amenée à réfléchir à l’amélioration d’un médicament existant grâce à un nouveau conditionnement ou un mode d’administration innovant.

Illustration ce vendredi matin. A 9h30, l’équipe au grand complet, soit une vingtaine de docteurs en pharmacie, préparateurs, techniciens de laboratoire et ouvriers professionnels, internes et étudiants en pharmacie… assiste au Journal Club, une réunion hebdomadaire au cours de laquelle un sujet clinique est exposé. Au programme du jour, la demande d’un médecin anesthésiste-réanimateur de la Croix-Rousse, d’imaginer un nouveau conditionnement pour la noradrénaline, couramment utilisée en anesthésie. Tous les aspects du cahier des charges sont passés au crible pendant une bonne heure et chacun repart avec sa feuille de route. « Chaque nouvelle demande est un challenge, déclare le docteur Filali. Dans ce cas, j’estime qu’il nous faudra environ quarante jours pour aboutir. » Parfois, le processus peut être beaucoup plus rapide. Comme lorsque Fripharm® a été alertée que les réserves de chlorure de potassium des HCL étaient au plus bas. “Ce composé étant indispensable au bon fonctionnement de l’organisme, nous avons alors mis notre production programmée en stand-by et en quatre jours, nous avons produit 300 flacons pour pallier l’urgence de la situation.”

Une production sous contrôle

“En moyenne, 90% des dossiers qui nous sont soumis aboutissent en 6 à 8 mois, essais cliniques compris”, estime Camille Merienne. Pharmacien responsable du laboratoire de contrôle qualité, c’est lui qui veille à la stabilité, à la qualité et à la sécurité des préparations. Chaque année, ce sont près de 4 300 contrôles de substances actives, excipients et préparations pharmaceutiques qui sont effectués dans son laboratoire, l’un des plus grands de France. “Nous réalisons également des études de stabilité et des prestations de contrôle pour d’autres hôpitaux toujours de manière indépendante et en nous appuyant sur les référentiels internationaux”, précise le docteur Merienne. Il insiste : “Aucune unité ne sort de ce laboratoire sans subir des contrôles physico-chimiques drastiques et sans être déclarée à l’Agence nationale de sécurité du médicament.” “C’est ici que tout commence et tout finit “, conclut le professeur Fabrice Pirot avant d’enlever ses sur-chaussures et de rejoindre le monde extérieur.

Unité de préparation médicaments stériles, FRIPHARM - HCL

Point névralgique de Fripharm, l'unité de préparations stériles et ses zones à atmosphère contrôlée