Cellules souches, greffes et transmission : Camille Brenac, jeune chirurgienne plasticienne engagée

Elle parle vite, avec la précision d’un scalpel et l’enthousiasme contagieux de ceux que rien n’arrête. À trente ans à peine, Camille Brenac a déjà trouvé sa place : dans les blocs, au chevet des patients brûlés, dans les labos de recherche et aux côtés des étudiants. Portrait d’une jeune chirurgienne qui a fait de sa vocation un engagement à plein temps.

La vocation est venue tôt, comme une évidence, avec un père médecin généraliste pour lequel « être médecin est le plus beau métier du monde », et une mère pharmacienne biologiste. Aujourd’hui, elle s’épanouit aussi bien dans son activité clinique que dans la recherche, conjuguant ainsi les compétences de ses deux parents. Derrière son bureau au centre des brûlés à l’hôpital Édouard Herriot, où elle vient de prendre la responsabilité de l’équipe chirurgicale, elle partage avec un enthousiasme communicatif sa passion du métier. Le débit de paroles est rapide, précis, pédagogue.

Image
Dr Camille Brenac
Dr Camille Brenac

Une vocation née sur les bancs du bloc

Externat à Marseille, sa ville natale, puis internat au CHU de Lyon, son parcours suit une trajectoire ascensionnelle forçant l’admiration. Sa spécialité, elle l’a découverte à 18 ans lors de son premier stage d’étudiante, dans le service de chirurgie plastique, réparatrice et reconstructrice de la main et des membres à l’AP-HM. « Il était vingt heures, j’avais décidé de rester au bloc opératoire. Là, j’assiste à l’intervention d’Aurélie Iniesta, chirurgienne, une reconstruction de la main avec un lambeau libre de fibula, pour remplacer l’os et les tissus manquants. Je me dis alors que je veux être cette personne dans dix ans.» L’étudiante ne compte pas ses heures, portée par ce désir d’apprendre qui ne l’a jamais quittée depuis.

Arrivée 350e aux épreuves classantes nationales, elle choisit Lyon pour « le rayonnement de son service de chirurgie des brûlés, plastique, reconstructrice et esthétique, à l’époque dirigée par la Pr Fabienne Braye. Soins des brûlés, activité de recherche sur les kératinocytes, implantation idéale à mi-chemin entre Paris et Marseille, le CHU de Lyon m’est apparu comme étant le meilleur choix possible. » L’interne prend vite ses marques. Son dynamisme et son inextinguible soif d’apprendre et de comprendre les mécanismes du vivant la conduisent naturellement vers la recherche, complémentaire de son activité clinique et chirurgicale.  Son sujet de thèse, suggéré par le Pr Alain-Ali Mojallal, devenu chef de service, porte sur la greffe du tissu adipeux chez les brûlés de la main.

Plastie, greffe, régénération : la science du soin

« Le sujet est passionnant ! Il porte sur l’usage des cellules du tissu adipeux dans la régénération des brûlures graves de la main. Ces cellules, dites multipotentes, peuvent devenir musculaires, cartilagineuses, osseuses ou vasculaires selon les signaux qu’elles reçoivent. L’environnement ischémique du tissu brûlé semble signaler aux cellules souches de produire des protéines les transformant en cellules endothéliales, favorisant la revascularisation. » En novembre 2023, l’étudiante soutient sa thèse de médecine et, un an plus tard, s’envole à destination de la Californie. « Dans le cadre d’un projet de mobilité pour poursuivre la recherche sur les cellules souches et le tissu adipeux, je souhaitais rejoindre le laboratoire du professeur Michael T. Longaker, à la Stanford University. Après plusieurs tentatives, je finis par obtenir une réponse positive. »

Ses recherches dans la prestigieuse université américaine portent sur l'injection de tissu adipeux pour traiter les séquelles de radiothérapie. La radiothérapie, notamment pour les cancers du sein, peut brûler la peau et les tissus sous-jacents, augmentant le risque d'infarctus du myocarde chez les patientes irradiées. Elle étudie plus précisément la fibrose causée par l'irradiation et parvient à montrer que la matrice adipeuse décellularisée (sans les cellules), produite en laboratoire à partir de tissu prélevé, pouvait elle-même favoriser le processus de revascularisation et de régénération en servant de support. « Cela permettrait d'utiliser du tissu adipeux de donneurs pour des patients qui n'en ont pas ou pour qui le prélèvement est difficile. »

Elle décroche cette année-là le Master 2 en science chirurgicale et nouvelles technologies interventionnelles de l’université Paris-Saclay. Début 2025, elle complète sa formation scientifique avec le board européen (équivalent du DES, diplôme d’études spécialisées), qui lui ouvre potentiellement les portes du marché de l’emploi à l’échelle de la communauté européenne. « Passer cet examen m’a permis d'approfondir mes connaissances en chirurgie plastique, de maîtriser les termes techniques, et ainsi de pouvoir écrire plus facilement des articles en anglais. » Ce nouveau diplôme lui permet en outre de ne passer que l’oral du DES français prévu à l’automne 2025.

Chirurgienne, chercheuse, pédagogue : trois passions en une

Aujourd’hui, en tant que docteur junior et assistante à plein temps au centre des brûlés, implanté dans le Pavillon I à l’hôpital Édouard Herriot, elle assume de nouvelles responsabilités. Il lui faut gérer les patients, la programmation des salles de bloc opératoire, les internes et les externes, la supervision médicale, en synergie avec les anesthésistes réanimateurs du service. Sous la direction d’Hélène Person, adjointe au Pr Mojallal, la jeune médecin fait montre d’une énergie à toute épreuve. Pratique chirurgicale, soin, recherche, management, et aussi enseignement ne font que renforcer cet insatiable appétit pour sa profession qu’elle ne conçoit pas ailleurs que dans le service public, au plus près des patients brûlés et de la recherche translationnelle.

Dans cet univers hospitalo-universitaire, elle peut aussi développer son goût pour la transmission. Elle donne des cours aux externes et internes tous les vendredis matin à 7h, de sa propre initiative, pour leur transmettre ses connaissances et les intéresser au soin des brûlés. Au programme : introduction à la brûlure, technique des lambeaux et séquelles de brûlure de la main, etc. Ses cours du vendredi s’ajouteront à ceux donnés durant le premier semestre de l’année universitaire aux étudiants en médecine, sur les brûlures, la cicatrisation des plaies ou encore la microchirurgie.

Mélange des genres et générosité

La chirurgienne assure également des astreintes les fins de semaine pour SOS main, dispositif dédié aux urgences de la main accessible 24h/24. Dans ce cadre, elle collabore avec les orthopédistes des HCL. « Nous nous complétons : les plasticiens apportent la couverture cutanée, le tissu adipeux, les greffes, les cellules souches, et la gestion des mains brûlées, tandis que les orthopédistes s'occupent des nerfs et de l'os. Cette collaboration est particulièrement utile pour les cas complexes nécessitant une reconstruction étendue, comme les blessures par balle. » Plus que jamais motivée par la volonté d’apprendre, de comprendre et d’améliorer le soin et les pratiques, la chirurgienne aime cette collaboration interdisciplinaire. « L'idée est de travailler à quatre mains et de pouvoir à terme interchanger nos compétences respectives, chaque spécialiste apprenant de l'autre. »

Dans les mois à venir, elle projette de confirmer son inscription en thèse de science. Elle cherche un laboratoire d’accueil pour sa thèse, entre Inserm et CNRS, et à devenir pleinement cette hospitalo-universitaire qu’elle est déjà en puissance. Une étape de plus pour conjuguer ses trois vocations qu’elle incarne avec enthousiasme, générosité et intégrité : chirurgie, recherche et enseignement.

Voir aussi
Dernière mise à jour le :