Faire face au boom des infections fongiques
Selon l’OMS1, les infections fongiques invasives sont responsables de 2,8 millions de décès par an dans le monde. Parce qu’elles se développent et sont de plus en plus résistantes aux médicaments, on constate une augmentation des formes les plus graves. Pour l’heure, seulement quatre classes de médicaments antifongiques sont disponibles. D’où la nécessité de développer des outils de diagnostic fiables, rapides et sensibles et d’accroître les traitements qui s’affranchissent de ces résistances.
C’est justement ce à quoi s’attellent le Dr Jean Menotti, pharmacien biologiste, et ses collègues du service de parasitologie et mycologie médicale à l’hôpital de la Croix-Rousse. Cet hospitalo-universitaire (HCL/Lyon 1) explore différentes voies d’investigation diagnostique et thérapeutique. Ses recherches remontent à la fin de son internat au début des années 2000. À l’époque, il occupe un poste à l’hôpital Saint-Louis à Paris et développe des méthodes de diagnostic moléculaire des infections fongiques et parasitaires. Son équipe travaille alors sur la transmission aérienne de Pneumocystis (champignon responsable de la pneumocystose ou pneumonie à Pneumocystis chez des patients immunodéprimés), entre patients, mais également entre patients et soignants, et a apporté la première preuve directe de l’excrétion aérienne de Pneumocystis à partir d’un hôte immunocompétent.
Avancées médicales…
En 2017, à l’initiative de la Pr Martine Vallon, cheffe du service de parasitologie et mycologie médicale, le mycologue poursuit ses recherches aux HCL. Fort des avancées que permet le séquençage à haut débit dans le domaine diagnostique et thérapeutique, il développe avec le Dr Alexis Trecourt, anatomo-pathologiste et doctorant, de nouvelles méthodes de détection des pathogènes dont, par exemple, les diagnostics sur les tissus fixés dans les blocs de paraffine utilisés en anatomocytopathologie. « En mettant en place cette nouvelle technologie, l’identification fongique est effective dans plus de 80 % des cas contre 46 % par séquençage classique auparavant », précise l’actuel responsable scientifique de la plateforme Genepii (pour génomique à visée diagnostique et épidémiologique des maladies infectieuses) aux côtés de la Pr Sophie Jarraud et de la Dr Laurence Josset.
Et nouvelles voies de recherche
Ses recherches explorent différentes pistes d’investigation. Certaines font le lien entre les infections fongiques et l’environnement. Aux Pays Bas par exemple, la résistance de nombreuses souches d’Aspergillus fumigatus, responsable d’aspergillose invasive, a été constatée chez des patients immunodéprimés en raison de l’usage massif de fongicides azolés dans la culture intensive de la tulipe, les azolés constituant l’une des classes d’antifongiques utilisés pour traiter les mycoses invasives. « On estime que 10 % des souches d’Aspergillus fumigatus infectant les patients néerlandais sont résistantes », informe le chercheur, qui a mis en évidence une diversité importante des mécanismes de résistance des souches hébergées par certains patients des HCL.
En collaboration avec le Pr Gilles Devouassoux, chef du service de pneumologie à l’hôpital de la Croix-Rousse, et la doctorante Alexandra Bouyssi, et avec l’aide du Centre de recherche clinique, il étudie la relation entre l’exposition fongique environnementale et la BPCO (pour bronchopneumopathie chronique obstructive). L’étude, qui a débuté en 2021, a permis de faire le lien entre le niveau d’exposition fongique environnementale au domicile du patient et la survenue d’épisodes d’exacerbation de la maladie. Un autre projet, associant des chercheurs de l’université Lyon 2, se concentre sur les relations entre l’ensemble des maladies pulmonaires chroniques liées aux champignons aéroportés et l’exposition fongique environnementale, en intégrant les facteurs psychosociaux. Une troisième voie de recherche, menée avec Pauline Tirard-Collet, doctorante et assistante hospitalo-universitaire, tente de mieux comprendre les liens entre les mycobiotes (ou microbiotes fongiques) pulmonaires et digestifs et certaines pathologies dont la pathologie pulmonaire chronique. Autant d’investigations qui mobilisent ce praticien hospitalier dont l’activité principale reste le diagnostic des patients des HCL. Une activité essentielle pour détecter au plus tôt et combattre ces microorganismes responsables d’infections mettant en jeu le pronostic vital.
1 En octobre 2022, l’Organisation mondiale de la santé liste pour la première fois les dix-neuf champignons les plus dangereux pour la santé publique à l’échelle de la planète. Les formes invasives des infections fongiques touchent principalement les personnes immunodéprimées, c’est-à-dire celles atteintes de pathologies liées au système immunitaire, des cancers, le VIH et celles ayant subi une greffe d’organe sous traitement immunosuppresseur.
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