Conseillère en environnement intérieur : elle mène l'enquête au domicile du patient

« Je suis les yeux du médecin au domicile du patient. » En ce début d’après-midi, Delphine Jouassin s’apprête à entrer chez une patiente suivie depuis 2013 dans le service de pneumologie de l’hôpital de la Croix-Rousse. Depuis mai 2022, elle est la conseillère en environnement intérieur des HCL.

Au premier étage d’une barre d’immeubles implantés sur la commune de Rillieux, madame A. et deux de ses trois enfants souffrent d’asthme allergique. L’été dernier, la famille a vécu une expérience traumatisante. Un incendie dans le voisinage a laissé des traces dans l’appartement mais aussi dans les esprits. Depuis, tous dorment dans la même chambre. Bien que les suies aient été nettoyées, certains endroits au sol et sur les murs du logement laissent voir quelques traces sombres. 

Delphine Jouassin commence par installer divers instruments de mesure dans le salon, qui vont mesurer l’hygrométrie, c’est-à-dire le taux d’humidité, et aussi le taux de dioxyde de carbone (CO2) et celui des composés organiques volatiles (COV), perturbateurs endocriniens et allergènes, présents dans l’air et dans les murs. Ces mesures permettront de mieux quantifier les polluants et de faire le lien avec les symptômes d’allergie. Outre les polluants chimiques, les polluants domestiques, ce sont aussi les acariens, les allergènes d’animaux, les moisissures, les blattes…

La conseillère en environnement intérieur porte maintenant son attention sur celle qui la reçoit dans son intimité. Les questions s’enchaînent. Le ton et la posture entrent immédiatement en sympathie avec la personne visitée. L’intention ici est bienveillante et le seul suspect dans cette enquête de terrain est l’environnement intérieur qui vient contrarier l’efficacité des traitements. 

« L’intervention de la conseillère en environnement intérieur (CEI) dans ce cas précis est d’autant plus essentielle que madame A. souffre d’obésité. Or, l’obésité réduit l’effet des corticoïdes utilisés dans le traitement de l’asthme. Il est donc important de pouvoir réduire l’exposition de la patiente aux allergènes », indique le Dr Geoffroy Mery, pneumologue à l’hôpital de la Croix-Rousse. 

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Delphine Jouassin
Delphine Jouassin, conseillère en environnement intérieur

Investiguer pour mieux soigner

« Le bâti a-t-il été rénové récemment ? Y-a-t-il une station-service dans un rayon de 500 mètres ? Un pressing ? Des cultures ? Une usine ? » Delphine Jouassin affine son investigation en posant des questions sur les habitudes de vie de madame A et en profite pour prodiguer quelques conseils. 

Après une demi-heure d’entretien, les capteurs indiquent un taux de concentration de CO2 dans la pièce de plus de 1 100 ppm, au-dessus du taux correct estimé entre 600 et 800 dans un lieu fermé, ainsi qu’une hygrométrie à 35 % contre 40 à 60 % idéalement. 

La conseillère, qui s’est formée en santé respiratoire et habitat à l’université de Strasbourg, passe ensuite en revue les différentes pièces de l’appartement. Les capteurs indiquent un problème de ventilation dans une chambre. L’humidité présente dans les murs est, elle aussi, mesurée. Les données semblent normales, mais en observant l’angle au fond de la pièce, Delphine Jouassin note la présence de moisissures. « Je crains la cata si on soulève le vinyle. » Effectivement, la situation paraît quelque peu problématique. 

Dans chaque pièce, elle vérifie l’efficacité de la ventilation en plaçant une feuille de papier devant les grilles d’extraction des murs et en s’assurant que les entrées des fenêtres ne soient pas obstruées en cas de VMC simple flux. L’appartement n’est pas suffisamment ventilé avec un taux de CO2 trop élevé

La présence de matelas anti-acariens donne lieu à de nouveaux conseils : « C’est bien parce que ce sont des matelas avec un tissage adapté et non pas traités avec des pesticides. » Et de rappeler que de tels produits sont à proscrire en général et plus particulièrement pour les personnes asthmatiques ou souffrant de pathologies bronchiques. On apprend aussi que l’on peut aérer seulement deux à cinq minutes son intérieur si le courant d’air est traversant contre dix minutes sans. 

La conseillère jette maintenant un coup d’œil sur l’armoire à pharmacie. Cela permet de vérifier si les dates de péremption sont bien respectées, si les aérosols sont bien éliminés correctement car très polluants. Après deux heures et demie, la visite se termine. Transmis à la patiente et au médecin, le compte-rendu rappellera les conseils délivrés lors de la visite. 

Actuellement, la France compte plus de 220 CEI. Leurs interventions permettent d’agir contre les sources allergènes à l’origine de l’inefficacité des traitements et d’instruire les dossiers administratifs quand le relogement est la seule solution pour éviter les crises et la rechute. Une expertise indispensable pour faire le lien entre l’hôpital et son environnement aseptisé et le lieu de vie, où nous passons la majorité de notre temps.  

 

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